La Turquie tente de mettre la main sur l’or de ses citoyens

« La lecture du WSJ (le Wall Street Journal) est utile, mais rarement amusante.

Nous venons de tomber sur un article de ce jour, 22 mars, qui nous a fait éclater de rire.

La Turquie connait un déficit considérable de ses comptes courants. Pour financer ce déficit de 10% du GDP, le gouvernement a eu une idée de génie : essayer mettre la main sur l’épargne en or des Turcs. Les Turcs, à la suite d’une longue histoire de ruine financière et de prédations, ont la prudence d’épargner en or et de garder cet or chez eux. On les comprend.

Pour faire rentrer cet or dans le système bancaire et donc, sans le dire bien sûr, avoir cet or à portée de la main, le gouvernement turc étudie un système qui inciterait les citoyens à se séparer de leur or, à le déposer dans les banques et en échange ils auraient un morceau de papier qui porterait intérêt.

Le reste des propositions est sans intérêt, c’est le cas de le dire, mais cette idée du gouvernement turc nous inspire quelques remarques :

– Elle ose contredire le génial Bernanke qui soutient que l’or n’est qu’une « tradition« , sous-entendu idiote et dépassée, juste bonne pour les ringards, la Banque centrale turque pense autrement visiblement et c’est une sorte de réintroduction, par la petite porte, de l’or dans le système bancaire puis monétaire puisqu’il va servir à solvabiliser les banques

– L’échange de l’or physique contre de l’or papier qui produit intérêt atteste du fait que l’or papier vaut moins que l’or physique puisque pour équilibrer l’échange on consent une soulte qui est l’intérêt. L’or physique égale l’or papier plus un intérêt. Gageons que au fur et à mesure que le système financier va se dégrader sous les coups de boutoir conjugués des banquiers centraux, des banques et des govies, le taux qu’il faudra consentir sera augmenté ;

– La proposition du gouvernement turc est un schéma d’école à méditer car c’est exactement, en modèle réduit, concret et très parlant, ce qui se passe depuis 1971. Pour continuer à faire de la croissance à tout prix malgré les déficits, pour repousser les limites de la croissance, il faut émettre du crédit et ce crédit pour le gager, il faut lui donner un collatéral et le meilleur collatéral, l’ultime collatéral, qu’est-ce que c’est ? C’est l’or. Les Turcs veulent faire comme les grands, c’est-à-dire les Américains, construire une pyramide de crédit, faire levier sur l’or.

Le WSJ suggère que le gouvernement turc au lieu d’essayer de mettre la main sur l’or de ses citoyens, ce qui a peu de chance de marcher, ferait mieux d’améliorer son système fiscal et d’augmenter les impôts.

Encore une équivalence amusante : tenter de mettre la main sur l’or des citoyens en les incitant à le déposer en banque équivaut à monter les impôts ! »

Bruno Bertez, Ah les braves gens !, le 22 mars 2012

A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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4 commentaires pour La Turquie tente de mettre la main sur l’or de ses citoyens

  1. njaisson dit :

    La spoliation des particuliers qui seraient privés de leur or n’est pas nécessaire à un moment où le second marché des obligations permet des opérations de financement internationales en servant des titres obligataires comme collatéral. De ce point de vue ce qui se passe à Moscou est très révélateur des effets induits par la libéralisation des marchés financiers qui permettent d’acquérir des titres obligataires à haut rendement, ce qui est le cas des dernières émissions de papier par le Trésor russe où la demande a été cinq fois supérieure à l’offre, puis de les revendre à des véhicules spéciaux qui vont les transformer en de nouveaux instruments de financement (type strips à 0%) vendus à Londres, NY, Hong Kong, etc. Depuis que le système de place du nouveau centre financier moscovite a été connecté aux systèmes de règlement/livraison internationaux comme Clearstream ou Euroclear, la Russie n’a aucun problème pour lever des fonds par émissions obligataires. La Turquie ferait bien de s’inspirer de ce modèle qui prouve encore une fois que la Russie s’aligne sur les systèmes de financement occidentaux.

  2. njaisson dit :

    “Russia’s financial infrastructure is undergoing its greatest transformation since the beginning of the 1990s, when the country made the switch to a market economy,” said Chris Weafer, chief strategist with Russian investment bank Troika Dialog in Moscow. “These changes could result in a massive re-evaluation of assets and removal of any risk premium associated with Russian equity valuations versus other emerging markets in the next two to three years; we will start to see the first benefits arrive in the next six months or so.”
    http://rbth.ru/articles/2012/03/16/traders_forming_new_bonds_with_russian_treasuries_15092.html

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