Les sanctions occidentales menacent la production pétrolière russe

sanctions occidentales menacent la production pétrolière russe

« Le patron de Lukoil, principal groupe pétrolier privé russe, a lancé un pavé dans la mare vendredi, lors d’un forum d’investissement se déroulant à Sotchi. Selon Vagit Alekperov, l’extraction de 100 millions de tonnes de pétrole, soit 20% de la production totale annuelle, devient problématique à cause des sanctions imposées par l’Occident sur les technologies pointues, comme la fracturation hydraulique.

Comme pour confirmer ses craintes, le groupe français Total a annoncé mardi qu’il renonce définitivement à sa coentreprise avec Lukoil sur le gisement prometteur de Bajenov, en Sibérie occidentale. Un gisement de pétrole de schiste clairement victime des sanctions. La plupart des technologies nécessaires pour extraire le gaz et le pétrole de schiste viennent des Etats-Unis et du Japon.

Les officiels russes réagissaient mardi en minimisant le problème. Le Ministère de l’industrie promet que les équipements importés par les industries pétrolières et gazières seront «remplacés» d’ici à trois ou quatre ans par des équipements russes. Le vice-président de Gazprom Alexandre Medvedev affirme, lui, que la part étrangère dans les services et équipements utilisés par le géant gazier ne dépasse pas les 10%. Selon lui, les sanctions ne posent problème qu’en termes d’accès aux crédits étrangers. Mais les experts et les investisseurs s’interrogent sur le coût et le calendrier du ­développement en Russie d’une industrie de services capable de supplanter les technologies occidentales.

Les sanctions compliquent considérablement le versant financier de l’industrie, et risque de bloquer les plans pharaoniques de Moscou dans l’Arctique. 500 milliards de dollars doivent être investis d’ici à 2020 pour développer des gisements prometteurs, mais très complexes. La Russie dispose d’un savoir-faire très limité en zone arctique et off­shore. Les grands groupes pétroliers russes avaient dans cette perspective noué des liens avec des groupes internationaux comme ExxonMobil, Total et Royal Dutch Shell pour partager technologies et risques financiers. Des projets qui ont aujourd’hui tous du plomb dans l’aile.

Au milieu des années 2000, Vladimir Poutine se félicitait d’avoir fait de son pays une «superpuissance de l’énergie». Mais en tentant de redevenir une superpuissance tout court, la Russie ne risque-t-elle pas de perdre son statut de leader dans l’énergie ? Au faîte de la production soviétique, le pays produisait 625 millions de tonnes de pétrole par an. Grâce à l’envol du cours du pétrole dans les années 2000, la Russie a partiellement remonté la pente, se maintenant aujourd’hui autour de 500 millions de tonnes par an. Mais les années faciles appartiennent au passé, alors que les gisements traditionnels de Sibérie occidentale s’épuisent. Les premiers signes de faiblesse se manifestent. Les exportations de pétrole brut ont baissé de 4,6% en volume sur le premier semestre 2014 en glissement annuel, d’après des statistiques officielles publiées hier.

Reste la solution chinoise. A défaut de pouvoir supplanter l’Occident en termes de technologies de pointe, la Chine, qui ne s’associe pas aux sanctions contre Moscou, offre des financements considérables aux groupes contrôlés par l’Etat russe. En échange, Pékin demande un accès aux gisements, et impose des rabais très importants sur les prix du pétrole et du gaz. Le Kremlin se trouve désormais contraint à faire des arbitrages douloureux, alors que 40% de ses recettes budgétaires proviennent de taxes sur l’industrie pétrolière ».

Emmanuel Grynspan, Le Temps, le 24 septembre 2014 (via Le blog à Lupus)

Rappels :

Mikhaïl Gorbatchev : « Les sanctions à l’égard de la Russie sont révoltantes »

Sanctions européennes, jusqu’au bout de l’absurde

Nous avons le pouvoir de refuser le projet des Etats-Unis ! (Peter Koenig)

Malgré les sanctions, ExxonMobil et Rosneft commencent leur forage conjoint dans l’Arctique

A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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9 commentaires pour Les sanctions occidentales menacent la production pétrolière russe

  1. Poutine va payer cher son refus d’avoir laissé se développer un capitalisme privé spécifiquement russe qui aurait permis à la Russie de se passer des fonds d’investissement occidentaux.

  2. Nanker dit :

    Est-ce seulement vrai?
    Les médias occidentaux regorgent d’articles décrivant une Russie au bord du gouffre et un Poutine genou à terre… Rêve humide de néo-con US ou européen?

    • Que les sanctions pénalisent fortement la Russie, oui. Mais dire que celle-ci est au bord du gouffre et Poutine un genou à terre, ça ressemble à la méthode Coué…

      • Au delà des voeux pieux et des opinions partisanes, il n’y a rien de tel que les chiffres pour cerner la réalité: effondrement de la croissance, effondrement du niveau de vie des classes moyennes, épuisement des réserves monétaires, incapacité à faire face aux sanctions frappant les nouvelles technologies à court terme, effondrement des rentrées fiscales, disparition des fonds de secours de l’Etat russe, augmentation du chômage. Que cela vous plaise ou non, Poutine n’a pas su débarrasser la Russie de sa dépendance vis à vis des capitaux étrangers. La Chine prendra-t-elle la relève de l’Occident? Nous verrons bien. Pour le moment, elle paie en avance le gaz qu’elle aurait dû acheter à la Russie pour permettre à Rosneft de financer la construction des gazoducs sibériens.

      • Vous tenez un discours apocalyptique sur la Russie mais où sont « les chiffres » ? Concernant la croissance, la Russie n’est pas davantage en récession que les pays européens ; pour les rentrées fiscales et l’endettement, inutile de s’étendre… Quant à l’épuisement des réserves monétaires, il est très relatif si j’en crois ce que j’ai lu : ces réserves devraient permettre à la Russie de soutenir 2 ans de sanctions… Nos pays « riches » ne peuvent pas en dire autant.

        Je vous rappelle enfin que Poutine jouit de 86% d’opinions favorables, il faut croire que les classes moyennes ne lui tiennent pas trop rigueur d’avoir redressé son pays de façon spectaculaire depuis le début des années 2000. Rapppelez-vous en comparaison les années Eltsine.

        Cela dit, la fragilisation de la Russie est certaine dans le contexte géopolitique actuel – en raison notamment de ses lacunes sur le plan technologique (hors armement). Mais avec l’axe stratégique sino-russe qui se développe depuis un moment au coeur de l’OCS et des BRICS, je pense qu’elle est quand même moins à plaindre que nous…

        http://www.vineyardsaker.fr/2014/09/23/cauchemar-washington-se-precise-partenariat-strategique-russie-chine-setend/

  3. zorba44 dit :

    Olivier,
    Il est clair que Nicolas Jaisson n’aime pas la Russie. Peut-être le souvenir d’emprunts russes que ses parents ont souscrits ? (entre nous le souvenir de 1917 ne laisse pas au signataire une rancoeur éternelle, même s’il a vu dans une armoire d’archives familiales des épaisseurs de plusieurs centimètres d’emprunts russes…)
    Au compte des grandes lessives financières vos descendants n’aimeront personne des USA, en passant par la Chine, le Zimbabwe, l’Argentine etc etc… Et ça pourra faire comme la nouvelle guerre de Cent ans entre Palestiniens et Israéliens – laquelle ne semble pouvoir finir qu’avec l’extinction de l’humanité.

    Jean LENOIR

  4. Geraldine dit :

    La guerre sacrée – Aux défenseurs de la Novorussia

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