Que vaut l’accord européen sur le sauvetage des banques ? (Ph. Herlin)

Accord européen sur le sauvetage des banques en cas de nouvelle crise

Atlantico : Les ministres des finances européens sont parvenus à un compromis dans la nuit de mercredi à jeudi 27 juin, acceptant des règles pour renflouer ou liquider les banques en épargnant les contribuables. Après plus de six heures de discussions, un accord a finalement été trouvé sur le degré de flexibilité laissé à chaque Etat, qui constituait jusqu’ici un point de blocage. Que faut-il en penser ?

Philippe Herlin : Il s’agit d’un accord en trompe l’œil. Comment fonctionne-t-il ? Les pertes seront d’abord supportées par les créanciers et les actionnaires à hauteur de 8% minimum du passif des banques. Autrement dit, pour une banque dont le passif est de 100 milliards d’euros, créanciers et actionnaires se verront imposer au moins 8 milliards d’euros de pertes. Une fois cette condition remplie pourra intervenir des fonds d’aide européens de type MES, ce deuxième niveau d’intervention ne pourra pas dépasser 5% du passif de la banque. Calculons : 8 plus 5 font 13. C’est tout. Mais si une banque se trouve en situation de faillite, la perte sera nettement supérieure à 13% du passif ! Donc les déposants paieront. On nous dit que seuls les compte de plus de 100.000 euros seront sollicités. Il faut bien comprendre que ce chiffre n’a aucun sens : pour un particulier il est élevé, et de fait la plupart des gens se croient à l’abri. Mais pour une entreprise ou une PME ce seuil est très bas, et en conséquence ponctionner les comptes de plus de 100.000 euros revient à voler la trésorerie des entreprises, et donc à provoquer une récession, on le voit à Chypre. Par ailleurs, annoncer une limite de 100.000 euros va inciter les particuliers et les entreprises à ouvrir plusieurs comptes de façon à passer sous ce seuil, il n’y aura ainsi plus beaucoup de comptes supérieurs à cette somme ! Il faudra donc « taper » dans les comptes situés en dessous. De toute façon il faut bien comprendre que si les comptes de moins de 100.000 euros ont été protégés à Chypre c’est uniquement parce que l’Europe et le FMI ont apporté 15 milliards d’euros d’aide. Mais pour un pays comme l’Espagne ou la France il faudrait une somme bien supérieure que personne ne pourrait apporter, résultat tous les comptes seraient ponctionnés !

Une note de l’analyste financier Steven Englander (Citi FX) a souligné que depuis début mai, les gains de banques européennes par rapports aux banques américaines étaient en baisse. Les banques européennes se portent-elles plus mal que les banques américaines ?

Il est difficile de mesurer le niveau de risque des banques, mais nous avons eu récemment deux études plutôt inquiétantes concernant les banques françaises. D’après une étude du Center for Risk Management de Lausanne, les banques françaises présentent le plus important risque systémique en Europe (mesuré en terme de besoin en capital si les marchés boursiers baissent brutalement). D’autre part, selon Goldman Sachs, les deux banques les moins bien capitalisées d’Europe sont françaises (Crédit Agricole et Natixis). Plus globalement, il faut bien comprendre que la crise bancaire n’est pas réglée et que le risque demeure toujours important. Il l’est plus en France qu’aux Etats-Unis pour une raison bien simple, les banques sont bien plus grosses en comparaison (le bilan de BNP-Paribas s’élève à environ 2.000 milliards d’euros, soit le PIB de la France, et cela n’a pas d’équivalent aux Etats-Unis où les banques sont « relativement » plus petites).

Accord européen sur le sauvetage des banques en cas de nouvelle crise

La fin annoncée de la politique de planche à billets de la Fed menace-t-elle davantage les banques américaines…ou européennes ?

On ne peut pas parler de fin du Quantitative Easing, Ben Bernanke n’a fait que l’évoquer et les places boursières plongé ! Il a ensuite corrigé le tir et tenté de rassurer les marchés. En fait la Fed ne sait pas comment sortir de sa politique de planche à billets… Et la situation se complique avec la remontée des taux, aux Etats-Unis mais aussi en Europe, où la situation redevient compliquée en Espagne, au Portugal, en Italie (où d’ailleurs Mediobanca a estimé que l’Italie devrait faire appel à l’aide européenne d’ici la fin de l’année !). Concernant les Etats-Unis, rappelons une information qui a fait deux lignes dans les médias : la croissance du PIB au premier trimestre a été révisée à la baisse de 2,4% à 1,8% (en rythme annualisé), autrement dit rien ; il n’y a pas de reprise économique, la planche à billet ne sert à rien d’autres qu’à faire une bulle sur le Dow Jones. Le réveil va être douloureux.

Quelles mesures prioritaires doivent être adoptées pour assainir les banques européennes sans recourir au contribuable ?

On nous présente l’union bancaire supervisée par la BCE comme la panacée. Est-ce bien vrai ? Signalons d’abord qu’à ce moment-là la BCE serait alors le financeur des banques en difficulté (ce qu’elle est aujourd’hui) et leur contrôleur. Peut-on imaginer un conflit d’intérêt plus fondamental ? Ce serait potentiellement très dangereux. D’autre part on vient d’apprendre que l’Italie a, comme la Grèce, triché pour entrer dans la zone euro en utilisant des produits dérivés pour « anticiper » des recettes. Mais la manœuvre a mal tourné et le pays est exposé à une perte de 8 milliards d’euros ! Et qui était directeur du Trésor à l’époque, qui pilotait cette manipulation ? Mario Draghi. Peut-on faire confiance à un tel individu ? Plutôt que de se reposer sur des systèmes bureaucratiques, il faut lutter contre la concentration bancaire et les liens incestueux des grandes banques et des Etats, mais on n’en prend pas le chemin !

Philippe Herlin, Atlantico, le 28 juin 2013

A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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7 commentaires pour Que vaut l’accord européen sur le sauvetage des banques ? (Ph. Herlin)

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  2. Ping : Que vaut l'accord européen sur le sauvet...

  3. zorba44 dit :

    Bonjour Olivier,

    Voilà bien exposée la duperie, dont l’application, au surplus, est repoussée à 2018 !
    Le match entre économie réelle et économie virtuelle devrait donc voir des prolongations sur 5 ans ! …le temps de quoi ? on ne le sait pas vraiment. Le temps joue contre les deux camps car siffler la fin de la partie, pour les arbitres, entraîne immédiatement le chaos.

    Or les arbitres n’ont aucune envie de porter le chapeau de règles insensées et dangereuses qui ont littéralement gangrené l’économie. Ils n’ont pas envie d’être désignés à la vindicte populaire. Au fond d’eux-même les Bernanke et Consort espèrent peut-être secrètement que leur système les accompagnera, dans l’erreur, jusqu’à la fin de leur existence…

    Or il n’est que faux de proclamer urbi et orbi un Nouvel Ordre Mondial alors même que les grandes sociétés commencent à vaciller sur les fondements de la dépression économique et, bien sûr, que nombre d’entre elles vont s’écrouler. La famille Peugeot tremble et cherche à fourguer ses actions (pudiquement céder le contôle) une partie de ses actions… pour sauver ses actionnaires. Car au train où ça va (on devrait dire « où ça ne va pas »), et à moins de considérer que Peugeot est « too big to fail », les perspectives sont sombres. Quant aux banques on a la parfaite preuve que ce sont les déposants qui vont payer.

    Ce qui est important, n’est pas dit : cet accord « in extremis » est, en fait, un essai supplémentaire pour baiser les détenteurs de compte et éviter un bank run.

    In fine tout le monde est baisé, Etats compris, car vous n’imaginez pas (outre la fureur, le désarroi et la ruine) que le système pourra, à seul titre d’exemple, continuer à lever des impôts pour assurer son fonctionnement et sa pérennité…

    L’erreur tragique qui va être l’étincelle du cataclysme consiste à croire que les banques sauvées le système continue.

    L’erreur tragique a pour résultat l’effondrement de l’économie mondiale, prélude à la seconde vague de faillites bancaires pour laquelle il n’y aura plus de carburant.

    L’erreur tragique est de refuser le Glass-Steagall Act – seule voie possible pour sauver l’économie et, in fine, un nouveau système bancaire.

    Casser les banques d’affaires et on verra alors la confiance revenir et l’économie renaître de ses cendres !

    Jean LENOIR

  4. N.O.M dit :

    L’ annonce de Ben Bernanke a pour but d’ affaiblir la Chine et de la pousser à prendre position sur le conflit syrien. Les Etats- Unis se servent des marchés financiers comme d’ une arme de dissuasion contre les nations qui contestent sa politique à l’ internationale. La France qui se trouve dans un état beaucoup plus critique que la Chine n’ a aucun problème, pas de dégradation de sa note souveraine auprès des agences de notation malgré une situation de plus en plus catastrophique. Ceci doit interpeller les gens. Les Etats- Unis et Israël se cachent derrière l’ Europe en l’ envoyant accomplir les basses besognes à l’ image de la guerre de Libye et de Syrie. Aux Etats- Unis, l’Etat de Caroline interdisait le mariage homosexuel, depuis qu’ il est déclaré légal par la loi en France il est pratique de dire aux Américains : Vous voyez, le pays des droits de l’ homme l’ accepte ! Pourquoi malgré un système qui est sensé s’ être complètement écroulé depuis longtemps l’ on arrive encore à lui donner un semblant de vie ? tout simplement parce que notre modèle n’est qu’une illusion, la finance et l’ économie ne sont que des outils de manipulation, de domination, pour accomplir une politique impérialiste à l’ échelle du monde. Ils ont beaucoup, beaucoup, beaucoup de cartouches d’ avances. C’ est pourquoi nous ne pouvons pas attaquer ce système frontalement. Il faut l’ attaquer sur sa périphérie et cela commence par l’ abstention devant les urnes. Un système politique ne tient que par l’ adhésion de l’ opinion publique. Vous ne pouvez pas vous insurger contre la politique de Hollande si vous l’ élisez au suffrage universel direct. On ne peut pas adhérer à la république maçonnique sans tôt ou tard en payer le prix.

  5. brunoarf dit :

    Dimanche 30 juin 2013 :

    Quel est le budget des grands Etats dans le monde ?
    Le budget du Danemark est de 57,5 % du PIB.
    Le budget de la France est de 56,5 % du PIB.
    Le budget de la Finlande est de 56,2 % du PIB.
    Le budget du Royaume-Uni est de 45,5 % du PIB.
    Le budget de l’Allemagne est de 44,7 % du PIB.
    Le budget des Etats-Unis est de 39,4 % du PIB.

    http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202716743936-niveau-des-prelevements-et-des-depenses-publiques-la-france-dans-les-15-premiers-sur-187-pays-559983.php

    Quel est le futur budget de l’Union Européenne ?

    Pour la période 2007-2013, le budget de l’Union Européenne était au niveau ridicule de 1,10 % du PIB de l’Union Européenne.

    Pour la période 2014-2020, les bisounours fédéralistes voulaient que le budget de l’Union Européenne augmente. Le samedi 19 novembre 2011, les bisounours fédéralistes ont demandé que le budget passe à 1,11 % du PIB, soit 1083,3 milliards d’euros.

    Mais neuf pays – Autriche, Danemark, Allemagne, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni -, ont rejeté cette proposition jugée trop élevée dans un contexte de rigueur généralisée.

    http://www.20minutes.fr/economie/826126-budget-2012-europe-impose-rigueur

    Résultat : pour la période 2014-2020, le budget de l’Union Européenne sera en baisse !

    Pour la période 2014-2020, le budget de l’Union Européenne baissera au niveau minable de 1 % du PIB de l’Union Européenne, soit 960 milliards d’euros !

    Je dis bien : 1 % du PIB !

    http://www.lepoint.fr/economie/ue-le-budget-2014-2020-approuve-par-les-dirigeants-europeens-28-06-2013-1686778_28.php

    Conclusion : l’Union Européenne accueillera de plus en plus de pays très pauvres, et elle aura un budget de plus en plus faible !

    L’Union Européenne n’est qu’un gigantesque château de cartes.

    Et le vent qui se lève va le faire s’effondrer.

  6. Vince dit :

    il fait du bon boulot ce Ben Bernanke
    je propose une souscription volontaire pour lui envoyer de l’argent
    🙂

  7. leducmichael dit :

    Ce qui m’inquiète c’est la date: 2018… Ne serait ce pas une feuille de route pour l’après « Chypriotisation » des comptes des européens qui pourrait etre fait dans les mois à venir?
    Une chute brutale de l’or papier, une bonne tenu des bourses, le « tout va aller mieux », « la crise est derrière nous! ». Ceci pour forcer la main des épargnants à acheter de scriptural et délaisser le « physique/tangible » afin de drainer les fonds vers le scriptural et d’avoir la main mise sur les comptes et pouvoir en saisir le maximum.
    Est-ce un scénario plausible ou est-ce une vue de mon esprit suspicieux ?

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