« Les riches vont où ils veulent, les pauvres où ils peuvent… » (Régis Debray)

Regis-Debray-frontieres« […] La frontière a mauvaise presse : elle défend les contre-pouvoirs. N’attendons pas des pouvoirs établis, en position de force, qu’il fassent sa promo. Ni que que ces passe-muraille que sont évadés fiscaux, membres de la jet-set, stars du ballon rond, trafiquants de main-d’oeuvre, conférenciers à 50 000 dollars, multinationales adeptes des prix de transfert déclarent leur amour à ce qui leur fait barrage. Dans la monotonie du monnayable (l’argent, c’est le plus ou le moins du même), grandit l’aspiration à de l’incommensurable. A de l’incomparable. Du réfractaire.

Pour qu’on puisse à nouveau distinguer entre le vrai et le toc. Là est d’ailleurs le bouclier des humbles, contre l’ultra-rapide, l’insaisissable et l’omniprésent. Ce sont les dépossédés qui ont intérêt à la démarcation franche et nette. Leur seul actif est leur territoire, et la frontière, leur principale source de revenus (plus pauvre un pays, plus dépendant est-il de ses taxes douanières). La frontière rend égales (tant soit peu) des puissances inégales. Les riches vont où ils veulent, à tire-d’aile ; les pauvres vont où ils peuvent, en ramant.

Ceux qui ont la maîtrise des stocks (de têtes nucléaires, d’or et de devises, de savoirs et de brevets) peuvent jouer avec les flux, en devenant encore plus riches. Ceux qui n’ont rien en stock sont les jouets des flux.

Le fort est fluide. Le faible n’a pour lui que son bercail, une religion imprenable, un dédale inoccupable, rizières, montagnes, delta. Guerre asymétrique. Le prédateur déteste le rempart ; la proie aime bien. Le fort domine les airs, ce qui le conduit d’ailleurs à surestimer ses forces. Résistants, guerrilleros et « terroristes » n’ont ni hélicoptères ni drones, ni satellites d’observation. Ce n’est pas le ciel leur cousin, mais le sous-sol. Ils sont mariés avec le tunnel, la tanière et les galeries souterraines. Bien joué, vieille taupe !

Souhaitons-nous un autre domicile pour demain que le terrier ou la grotte, mais ne nous leurrons pas sur tout ce que la mondialisation nous apporte en faits de balkanisation. Sur tout ce que la bombe diasporique libère ici et là d’énergie identitaire. […] »

 Extrait d’Eloge des frontières de Régis Debray (2010), Folio pages 69 et 70 (via le site L’Espoir)

A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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10 commentaires pour « Les riches vont où ils veulent, les pauvres où ils peuvent… » (Régis Debray)

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  2. zorba44 dit :

    Oui, c’est vrai la loi de la nature est ainsi faite qu’à moins d’avoir moins de trente ans (et du talent) il faut de l’argent pour s’expatrier et, ce, pour plusieurs raisons à commencer par le droit d’entrer et de résider, mais aussi pour investir ses activités dans un nouveau paysage.

    Ceci dit, il ne faut pas être très riche pour émigrer (fiscalement), le Portugal étant l’exemple bien connu d’un pays où avoir une retraite de l’ordre de 1 500 € par mois et un capital de 250 000 € suffisent… Mais cet exemple n’est pas le seul et on trouve parfois moins cher.

    Le Chili est un pays particulièrement facile d’accès pour ceux qui ont pour seule richesse leur talent.

    Jean LENOIR

    • Geraldine dit :

      Mon cher Jean je ne crois pas que le retraité à 250.000 euros de capital et 1.500 euros de revenus mensuels soit ce que Régis Debray appelle un « pauvre », un « faible », une « proie » ou un « résistant » au système !

      Mais si vous le pensez quand même, alors posez-vous la question : s’il éprouve le besoin de partir n’est-ce pas justement parce que les frontières qui autrefois le protégeaient (lui et son pouvoir d’achat) ont disparu ?

      • zorba44 dit :

        Vous avez raison. J’ai parfois l’impression d’être à la limite de la pauvreté, justement parce que j’ai eu peur que ce que j’avais acquis par un travail opiniâtre, lié, je crois, à une certaine forme de probité morale, puisse être du jour au lendemain être effacé par des salauds.

        Régis Debray, vous avez raison, joue dans le registre des minimas sociaux dont l’institutionnalisation est un des facteurs de la ruine de la France dans la cacophonie européenne dont l’unité n’est qu’une façade.

        Merci pour votre mise au point

        Jean LENOIR

      • TOBI dit :

        oui on voit rarement des retraités français se terrer dans une grotte….Peut etre un jour quand la troïka aura pris le pouvoir ici aussi ?

  3. brunoarf dit :

    L’austérité, c’était le hors d’oeuvre.

    Maintenant, nous allons avoir le plat principal : c’est l’hyper-austérité.

    Avec l’hyper-austérité, nous allons avoir encore plus de concurrence, encore plus de libéralisation, encore plus de dérégulation, encore plus de flexibilisation, encore plus de privatisations, encore plus de baisse des retraites, encore plus de baisse des salaires.

    Avec l’hyper-austérité, nous allons courir vers la falaise comme un troupeau de lemmings.

    Tous ensemble vers le suicide collectif.

    Samedi 12 avril 2014 :

    Le G20 s’apprête à prendre des mesures impopulaires.

    Réunis à Washington, les ministres des finances du G20 ont essentiellement évoqué les mesures structurelles nécessaires pour favoriser la croissance et l’emploi. Des mesures qui ne seront pas forcément populaires.

    Comme l’a rappelé Joe Hockey, le ministre des Finances australien, à la fin de la réunion, « nous allons accroître nos investissements, favoriser les créations d’emplois, libéraliser le commerce et favoriser la concurrence ».

    Investissements dans les infrastructures, dérégulation et flexibilisation des marchés du travail, amélioration du taux d’emplois des femmes, accroissement de la concurrence sur le marché des biens et services pour abaisser les prix et les coûts sont ainsi au programme dans les différents pays.

    « Dans le domaine des nouveautés, la France n’a pas à rougir par rapport à d’autres pays du G20 qui sont nettement en retard », témoignait Michel Sapin. Avant d’ajouter qu’il sera extrêmement difficile de mettre tout cela en œuvre à la satisfaction de tout le monde.

    En effet, une mesure nationale visant à accroître la compétitivité du pays peut se faire au détriment des autres partenaires. « Qu’arriverait il si l’Allemagne renforçait encore sa compétitivité ? », s’interroge une source proche du dossier. En outre, l’instauration de mesures structurelles peut aussi, à court terme, détruire des emplois. C’est donc un subtil dosage que les membres du G20 devront trouver dans les prochains mois. Une chose est cependant sûre : toutes ces mesures évoquées sont fortement teintée de libéralisme.

    http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0203439623538-le-g20-s-apprete-a-prendre-des-mesures-impopulaires-664210.php

  4. Alcide dit :

    Bah , il ne faut pas s’en faire.
    Poutine à la main sur le robinet du gaz qui alimente l’Ukraine et menace de le fermer pour impayés.
    Le seul petit problème collatéral est qu’il s’agit du même robinet qui alimente aussi la ploutocratie Europe , fait tourner les usines allemandes et produit l’électricité.

    http://www.zerohedge.com/news/2014-04-11/putin-tells-europe-pay-ukraines-gazprom-bill-or-else
    Trad:
    http://www.microsofttranslator.com/bv.aspx?from=en&to=fr&a=http%3A%2F%2Fwww.zerohedge.com%2Fnews%2F2014-04-11%2Fputin-tells-europe-pay-ukraines-gazprom-bill-or-else
    ou
    http://french.ruvr.ru/news/2014_04_11/Russie-USA-Il-est-de-mauvais-ton-de-lire-des-lettres-dautrui-Poutine-8365/

    Alors, pour impressionner Moscou , l’empire envoie ses vaisseaux en Mer Noire :
    Des navires de guerre français et US arrivent en mer Noire.

    Lire la suite: http://french.ruvr.ru/news/2014_04_11/Des-navires-de-guerre-francais-et-US-arrivent-en-mer-Noire-6919/

    Et de son côté ,le tromblon Ashton menace de sanctions nouvelles en association avec le Monténégro, l’Albanie, l’Islande et la Norvège qui se sont joints aux sanctions imposées par l’Union européenne à l’encontre de la Russie…

    Lire la suite: http://french.ruvr.ru/2014_04_12/Montenegro-Albanie-Islande-Norvege-se-joignent-aux-sanctions-antirusses-4278/

    Heureusement, la solution est à portée de main:
    La reconnaissance de la Crimée, condition sine qua non de l’aide russe à l’Ukraine
    Pour obtenir l’aide financière de Moscou, l’Ukraine doit reconnaître la légitimité du rattachement de la Crimée à la Russie, effectuer une réforme constitutionnelle et ne pas discriminer les russophones, a annoncé vendredi le ministre russe des Finances Anton Silouanov.

    http://fr.ria.ru/world/20140412/200959091.html

    Donc , en résumé et pour la semaine prochaine, nous avons deux hypothèses:
    – Paiement par l’EU des dettes de l’Ukraine, reconnaissance du nouveau statut de la Crimée, des droits des russophones, d’une nouvelle constitution pour l’Ukraine, etc…Tous les attributs d’une reddition sans condition.
    ou
    – Le robinet est fermé.

  5. Alcide dit :

    Dossier:
    Chypre, une annexion réussie par la Turquie , armée et entrainée par l’OTAN

    Pas de paix durable à Chypre sans renonciation à l’hégémonie turque
    par Marios L. Evriviades

    http://www.voltairenet.org/article183195.html

  6. monde pourri dit :

    déja que les riches volent déja les pauvres et les exploitant et en les prenant pour leurs esclaves maintenant les riches veulent déposséder les pauvres du peu qu’ils ont pour les empecher de consommer ce qu’ils souhaitent, priver les pauvres de toutes libertés voila le souhait des riches.

    raz le bol de tout ces élites franc macon qui nient Dieu et prient le diable… normal que la population mondiale souffre apres.

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