Génial, il a fallu 7 ans à Nathalie Le Roy, et un article de Mme Orange dans Mediapart, pour apprendre enfin que la policière a en fait servi de bras armé à la Société Générale par la grâce de sa… hiérarchie. Conclusion de Médiapart: « la Société Générale était parfaitement au courant des positions de Kerviel« . CQFD.
A l’époque on est sous Nicolas Sarkozy, ne pas l’oublier. Et les supérieurs hiérarchiques policiers, au lieu de choisir un super enquêteur de la brigade financière parfaitement au fait des affaires boursières, en prennent un, ou plutôt une, qui n’y connaît strictement rien. Tout est dit, rien qu’avec cette décision. Une femme… car elle pourra être encore plus manipulée qu’un homme (pensaient-ils).
Génial, non ?
Comme elle n’y connaissait rien la fliquette, elle s’est laissée guider au sein de la banque par les cadres de la Société Générale qui n’ont monté que ce qui les arrangeait bien. Au final, c’est à dire il y a quelques mois, la policière est revenue sur son enquête, et elle a déclaré au juge: «j’ai eu l’impression d’avoir été instumentalisée par la Société Générale». C’est sûr que mettre une policière qui s’occupait avant de la circulation, ou des personnes disparues, ça peut aider à y voir clair. Mme Dati, à l’époque ministre de la Justice avait dit de Kerviel que c’était « un terroriste » (oubliant juste que le vrai terroriste c’était surtout la banque elle-même).
Je redis ici ce que j’ai dit à l’époque : Il est en effet impossible pour tous ces traders de cacher éternellement leurs positions à leur hiérarchie. Pourquoi ? Parce qu’ils ne peuvent même pas le cacher éternellement aux traders des autres banques sur les marchés !!
Preuve au hasard : rappellez-vous de l’affaire de la « Baleine de Londres ». C’étaient les autres traders qui avaient surnommé ainsi ce trader inconnu qui avait des positions complètement folles. Au bout de quelques temps, il fut identifié, parce que les autres traders s’étaient mis ensemble pour le « planter » et pariaient contre lui. Et quand le masque tomba, on découvrit la… JP Morgan, et derrière, l’ombre lointaine de Blythe Masters, reine des credit default swaps, et ex-patronne de cette spécialité au sein de la JPM. La Baleine avait coûté des milliards à la JP Morgan, qui perdit aussi la confiance des politiques. Ce fut un autre scandale « à la Kerviel ».
Donc : si les traders des banques et plate-formes étrangères arrivent à voir les positions des autres traders, qu’on nous explique par quel miracle la hiérarchie de la Société Générale est restée aveugle avec le sien : – )
Autre preuve (racontée longuement dans le livre Blythe Masters justement), les positions des traders de la LTCM. Au bout de quelque temps, les autres traders copiaient les achats et ventes de ceux de la LTCM.
Donc vous comprenez mieux pourquoi « Durant sa déposition, l’enquêtrice aurait également confié son « sentiment d’avoir été instrumentalisée par la Société générale » au cours de l’enquête. Selon le site, la banque a de quoi s’inquiéter de son témoignage, car Nathalie Le Roy est présentée comme « un personnage respecté à la brigade financière et dans le monde judiciaire (…) Nathalie Le Roy était convaincue de la culpabilité de l’ex-trader en 2008, mais a fini par avoir des doutes sur le rôle de la banque, des doutes culminant lors du procès en appel, en 2012« .
(Dans Le Point): « Je n’ai jamais demandé : Je souhaiterais entendre telle ou telle personne. C’est la Société générale qui m’a dirigé tous les témoins », se souvient l’enquêtrice. Elle pointe un autre dysfonctionnement : « Sur la masse de scellés que nous avions réalisés, vu l’urgence, compte tenu du peu d’effectifs dans le groupe et de la masse de travail qu’il y avait à effectuer, certains n’ont pas été exploités »« , vous pouvez en conclure que Sarkozy, Minc, Hortefeux et Dati ont lourdement pesé dans la balance (qui a penché immédiatement en faveur de la SG dès le départ de l’enquête).
Bref, la collusion Place Vendôme – Place Beauvau, aux ordres de l’Elysée (Sarkozy fut très tendre avec la SG pendant la crise) a donné cette enquête bâclée et à charge unilatérale. Mais il est vrai que la Justice française, dès qu’il s’agit des banques, et d’une affaire de haut niveau, perd toute objectivité.
J’avais commencé cette Revue de Presse en février 2008, expliquant que Kerviel n’était rien de plus qu’un lampiste, et que la SG se servait de lui pour masquer ses pertes dues aux subprimes. Le PDG de la Société Générale, monsieur Bouton (oui celui des ménages), criait à l’inondation alors que le tsunami des subprimes commençait juste à se former, et allait frapper massivement à partir d’août et surtout septembre, 2008. La suite des événements ne sera même pas très intéressante car là, la banque va dépenser des millions pour museler ce rebondissement. De toute manière, dans la tête des gens, Kerviel est un voleur et c’est tout ce qui compte vraiment pour l’image de la banque. La DirCom a réussi sa tâche. Lire ici Mediapart, ici le Parisien, FranceTV24 et le Point
PS : vous avez été très très nombreux à m’écrire de France, Suisse, Belgique, pour me dire que j’avais vu juste dans cette affaire, et que le temps m’a donné raison une fois de plus. Well, dans le cas Kerviel, ce n’était pas bien difficile. Cela dit, je range Kerviel dans le même sac que tous les autres traders, des sangsues bancaires qui se repaissent de l’argent durement gagné par les autres, en l’occurrence vous.
Blog de Pierre Jovanovic, 18-22 mai 2015
Lire aussi :
Un nouveau procès Kerviel pourrait priver la Société générale d’un gros cadeau fiscal
Rappels :
Jérôme Kerviel sur les déviances du trading et les « emprunts toxiques »
Hervé Falciani : « Les vrais terroristes, c’est le monde de la finance »
Tout est dit dans la conclusion de cet article : le trading, jeu de cons comme le sont ceux des casinos, devrait être proscrit purement et simplement car c’est avec notre argent que jouent les banques.
Jean LENOIR
Toujours le même ce Jovanovic qui noie le poisson dans l’outrance verbale: non cette policière ne s’occupait pas de la circulation, mais fait partie de la brigade financière. Ceci dit, il y avait bien une mauvaise volonté évidente, à l’époque, de la part du personnel juridique pour ne pas se montrer curieux outre mesure, alors que les preuves de la culpabilité de la SG abondaient, à commencer par les multiples alertes envoyées par Eurex et la Buba relayée par l’AMF, sans compter les courtiers dont les carnets d’ordres explosaient ainsi que les revenus de courtage. La Direction de la SG ne pouvait pas ignorer les transactions passées en son nom par ces courriers tenant une comptabilité stricte. Tout le monde sait que les carnets d’ordre sont suivis au jour le jour par les autorités de surveillance des marchés, qui n’en étaient pas à l’époque à leur premier scandale. Mais la fraude est devenue tellement énorme, que plus personne ne fait semblant d’ouvrir les portes ouvertes. Au fait qui se souvient que le frère de Nicolas Sarkozy était patron de UBS Etats-Unis à l’époque des subprimes avant d’être transféré à la tête d’une des principales caisses de retraite privée française? Là encore personne n’a rien vu. Ces gens savent que plus rien ni personne ne peut s’opposer à eux, d’où leur sentiment de totale impunité. Maintenant on peut se poser la question de savoir pourquoi un fait aussi évident que la divulgation des expositions de la SG dues à Kerviel qui auraient été inconnues de sa Direction ressort précisément aujourd’hui. Il y a anguille sous roche.
C’est vrai, Jovanovic caricature légèrement… cette femme policier n’était pas affectée à la circulation routière. Il n’empêche qu’elle n’avait effectivement aucune expérience des marchés boursiers au début de l’affaire :
« J’ai été saisie de l’affaire le 24 janvier 2008. Ce dossier m’a été attribué alors que je n’avais aucune connaissance boursière », explique Nathalie Le Roy au juge d’instruction. L’ancienne commandante de la brigade financière le reconnaît : cet univers où de telles sommes sont en jeu ne lui est pas familier lorsqu’elle prend les rênes de la première enquête. »
http://www.20minutes.fr/societe/1610419-20150518-affaire-kerviel-nathalie-roy-policiere-conteste-version-societe-generale
Tous ces faits avaient été exposés lors du premier procès. Mais ils avaient été déclarés irrecevables par le juge, à la stupéfaction de l’accusé Kerviel et de son avocat, au motif non avoué qu’ils risquaient de compromettre un des « primary dealer » de la dette étatique sans lesquels l’Etat ne pourrait placer sa dette sur les marchés. Dès l’entrée en matière, les dés étaient pipés pour détourner la procédure de sa cible principale. La lumière reste encore à faire quant au soutien financier apporté par la FED pour sauver les établissements bancaires européens engluées dans la crise de liquidité causée par les expositions sur les dérivés de crédit. Ces lignes de liquidité fournies par la FED en US$ étaient illégales, dans la mesure où elles faisaient supporter les pertes de banques étrangères par le contribuable américain. Aucun audit n’a été diligenté contre la FED et ses complices bancaires qui affichent maintenant de confortables bénéfices réalisés au détriment du public qui continue à supporter le poids intenable de l’économie bancaire globalisée. Ceci dit, le moment venu rien n’empêchera le bilan de la SG d’exploser quand les banques centrales ne pourront plus allonger les liquidités pour refinancer leurs actifs. La remontée des taux sur un marché obligataire devenu très instable, du fait des multiples rachats de titres par la BCE et du manque de moyens de refinancement des expositions immobilières sera sans doute l’événement déclencheur de la panique boursière.
Oui, on attend tous depuis longtemps le krach obligataire et tout ce qui s’ensuivra sur les marchés et dans l’économie réelle… Concernant les tonnes de liquidités octroyées par la Fed à quasi toutes les banques européennes, centrales ou commerciales, on en avait parlé à l’époque mais c’est en effet un aspect relativement méconnu des conséquences de la crise financière de 2008.
Et voilà : on retrouve encore Dati et Sarkozy, ces deux inséparables pieds nickelés dans tous presque les mauvais coups….
Cette affaire Kerviel cache trop de zones d’ombres