« L’autorégulation des marchés est un leurre. Entre deux crises financières, lire ce qu’écrivait Karl Polanyi en 1944 sur le «désencastrement» de l’économie est plus que jamais d’actualité.
Ce n’est que tardivement que Karl Polanyi (1886-1964) devint économiste. Né à Vienne, il est élevé à Budapest. Diplômé en philosophie en 1908 et en droit en 1912, il est officier dans la cavalerie austro-hongroise durant la Première Guerre mondiale. Il revient ensuite à Budapest et soutient le régime social-démocrate de courte durée, avant d’émigrer en Autriche en 1919 après la prise de pouvoir par la République des conseils de Hongrie, menée par le communiste Béla Kun. Devenu journaliste économique et politique, il quitte Vienne pour Londres en 1933, suite à l’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne. Il y devient enseignant pour adultes au sein de la Workers Education Association. Ces années furent le tournant de sa vie: installé dans le berceau du capitalisme, il recueille le récit familial de ses étudiants et forge sa théorie économique. Mais c’est lors d’un voyage aux États-Unis en 1940 que germe l’idée de son œuvre maîtresse, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, qui paraîtra en 1944. Il faudra attendre près de quarante ans pour que celui-ci soit enfin traduit en français (Gallimard, 1983, dernière édition collection «Tel», 2009).
Avec ce livre, Polanyi va à contre-courant de l’école classique (Adam Smith, David Ricardo…) : si l’idéologie libérale a consacré le principe du «marché autorégulateur», elle a ainsi permis le «désencastrement» de l’économie et de la technique d’avec la société globale. Cette dérégulation se fait au détriment de la société, provoquant un coût social important: n’étant plus sous le contrôle ni de la population, ni des États, les sphères de la production et de la distribution visent uniquement leur propre profit, au détriment du bien commun. D’après Polanyi, ceci ne dure qu’un temps : la Seconde Guerre mondiale consacre, à ses yeux, la fin du libéralisme économique. La «Grande Transformation» découle de cet échec de l’économie libérale et du capitalisme.
L’économie de marché est une invention récente
Il montre, à travers l’histoire des échanges, que l’économie de marché n’a rien de «naturel», ni d’ancien : l’économie n’est pas forcément marchande. L’économie de marché libre n’est pas un trait de la nature humaine, mais une construction sociohistorique récente, obéissant à des lois qui lui sont propres. Au cours de l’Histoire, et jusqu’à la fin du Moyen Âge, l’économie était organisée selon plusieurs modèles non marchands : la réciprocité (don et contre-don), la redistribution (sous la responsabilité d’une autorité dirigeante) et l’autarcie. Production et distribution n’étaient alors pas motivées par le gain. Le basculement décisif vers le capitalisme s’effectue avec l’apparition des premiers métiers à tisser industriels en Angleterre, au XVIIIe siècle. Jusque-là secondaire dans la vie économique, le marché s’est rendu indépendant et «autorégulateur». Dès lors que l’expansion des marchés transforme en «marchandises fictives» la terre (par le loyer), le travail (par les salaires) et la monnaie (par les taux d’intérêt), alors qu’il s’agissait jusque-là de biens non marchands, cette expansion sans contrôle finira par détruire la société dont elle s’est «désencastrée». Pour lui, c’est bien cette expansion non contrôlée des marchés qui est à l’origine de la crise des années 1930 et des deux guerres mondiales. Il apparaît que l’évolution du capitalisme suit un double mouvement : tout d’abord une forte poussée de la marchandisation, suivie de l’apparition de contre-mouvements en quête de protection sociale. Quand le système «craque», les gouvernements mettent en place des politiques interventionnistes : ce fut par exemple le cas avec le New Deal du président américain Roosevelt entre 1933 et 1938, pour lutter contre les effets de la Grande Dépression, notamment en soutenant les couches les plus pauvres de la population et en réformant les marchés financiers. Ces politiques visent à «réencastrer» l’économie dans la société: ce n’est plus l’économie qui doit dominer la société, mais l’inverse.
Du libéralisme au néolibéralisme
On peut considérer que la thèse de Polanyi était erronée : au libéralisme a succédé le néolibéralisme, au capitalisme industriel le capitalisme financier. Avec, depuis les années 1980, un nouveau dieu brandi par les néolibéraux: TINA (There Is No Alternative), fort utile pour justifier les politiques menées par Margaret Thatcher, Tony Blair, et plus récemment Angela Merkel, entre autres. Mais les mêmes symptômes et les mêmes causes semblent produire les mêmes effets qu’il y a un siècle, et en ce sens l’analyse de Polanyi reste tout à fait d’actualité.
Devenu à la fin des années 1980 pensée unique, aussi bien au centre droit qu’au centre gauche, le néolibéralisme «désencastre» l’économie de la société : les «réformes» doivent accroître la «compétitivité», les marchés doivent être «flexibles», et la répartition des biens est de l’histoire ancienne. Devenus les complices du néolibéralisme, les gouvernements et les États se retrouvent piégés : le siège du pouvoir s’est déplacé. Par l’internationalisation des échanges, les multinationales et les banques sont devenues toutes puissantes. Les banques, tiens, parlons-en : lorsque UBS et Crédit Suisse se retrouvent en grande difficulté avec la crise américaine des subprimes, que font-elles ? Elles qui clament haut et fort leur rejet de toute intervention de l’État dans leurs petites affaires, elles crient «maman ! » et la Confédération vient à leur secours. L’argument ? «Too big to Fail». La réponse ? TINA, bien sûr. On pourra arguer qu’in fine*, les milliards récupérés ensuite ont été bien supérieurs aux milliards prêtés, mais c’est bien d’une question de principe qu’il s’agit : ceux qui, pour leur seul profit, prennent des risques inconsidérés, contournent les règles et refusent tout contrôle étatique, ne devraient-ils pas assumer pleinement les conséquences de leurs actes ?
Le débat de fond oppose toujours d’un côté les libéraux, qui prétendent que les défauts dans le fonctionnement du système proviennent des interventions de l’État, de l’autre leurs adversaires qui affirment au contraire que seules ces mesures de sauvegarde peuvent empêcher le pire.
Pour une nouvelle «Grande Transformation»
Si la crise des années 1930 a débouché sur une resocialisation de l’économie, la question se pose de savoir si les crises que nous traversons depuis une dizaine d’années amèneront une nouvelle «Grande Transformation».
Mêlant l’histoire et l’anthropologie, la démarche de Polanyi était très novatrice pour son temps. Sa pensée converge avec celle de Marcel Mauss, l’anthropologue et grand théoricien du don et du contre-don : la réalité de l’économie est plurielle, masquée par l’analyse utilitariste qui réduit le champ de la pensée économique et entraîne une rupture totale entre l’économique et le vivant. Devenu un classique de l’économie, La Grande Transformation met parfaitement en perspective cette réalité. Et pose les bases de ce que pourrait être une économie prospère, mais encastrée dans la société et sous son indispensable contrôle ».
Pascal Vandenberghe, ANTIPRESSE, le 24 septembre 2017
Rappel :
Je ne sors plus sans ma boîte de pilules contre la dissonance cognitive
There Is No Alternative …pas l’idée-maîtresse, en tout cas, des esclaves de Spartacus !
Les constats établis à partir de l’histoire vécue, n’établissent pas le scénario du futur…
On ne le voit que trop depuis 2017 où, chaque jour, des chantres ont rêvé la suite de l’histoire, parfois même donné des dates précises sur lesquelles la poussière du temps a passé.
Jean LENOIR
Ping : TINA et la Grande Transformation — Olivier Demeulenaere – Regards sur l’économie | INSURRECTION PACIFIQUE
The End of Empire – It’s Coming
The empire will limp along, steadily losing influence until the dollar is dropped as the world’s reserve currency, plunging the United States into a crippling depression and instantly forcing a massive contraction of its military machine.
http://russia-insider.com/en/politics/end-empire-its-coming/ri21148
La République indépendante de Catalogne.
C’est une nouvelle nation qui est en train de naître : la République indépendante de Catalogne.
Mardi 10 octobre 2017 :
Le président de la région a ouvert la voie à la constitution de la République indépendante de Catalogne en gardant ouverte la voie de la négociation avec Madrid.
Carles Puigdemont ouvre le processus vers l’indépendance de la Catalogne, mais veut garder ouverte la voie de la négociation avec Madrid. Le président régional a annoncé mardi soir devant le Parlement de Barcelone qu’il ouvre la voie à la constitution de la République indépendante de Catalogne après avoir pris acte des résultats du référendum qui s’est tenu le 1er octobre dernier , en dépit de l’interdiction du Tribunal constitutionnel espagnol. Il a ainsi demandé au Parlement catalan un mandat pour déclarer l’indépendance de la Catalogne, et prévoit un dialogue avec Madrid qui pourra durer des semaines, avec l’aide d’une médiation nationale ou internationale.
Il tente donc de trouver une voie intermédiaire au milieu des dissensions du camp indépendantiste, entre ceux qui lui réclament d’aller jusqu’au bout et les appels à la modération de certains de ses camarades de parti. « Nous allons faire ce que nous sommes venus faire », avait-il répété ces derniers jours, décidé à faire le saut dans le vide, sans donner plus de détails sur ses plans.
https://www.lesechos.fr/monde/europe/030689931910-catalogne-puigdemont-lance-un-processus-dindependance-ouvert-a-la-negociation-2121132.php
La République indépendante de Catalogne.
C’est une nouvelle nation qui est en train de naître : la République indépendante de Catalogne.
Problème : ce soir, le gouvernement espagnol juge « inadmissible » la déclaration implicite d’indépendance de la Catalogne.
Mardi 10 octobre 2017, vers 20 heures 35 :
Catalogne : Madrid juge «inadmissible» une déclaration implicite d’indépendance.
Le gouvernement espagnol a jugé «inadmissible», ce mardi soir, une déclaration implicite d’indépendance de la part de l’exécutif catalan.
Le président séparatiste catalan Carles Puigdemont a proclamé, dans la soirée, le droit de la région du nord-est de l’Espagne à devenir un Etat indépendant.
«J’assume le mandat selon lequel la Catalogne doit devenir un Etat indépendant sous la forme d’une République», a-t-il dit devant le Parlement de Barcelone.
Mais le président catalan a également proposé «de suspendre la mise en oeuvre de cette déclaration d’indépendance pour entamer des discussions afin de parvenir à une solution négociée».
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/10/10/97001-20171010FILWWW00331-catalogne-madrid-jugeinadmissible-une-declaration-implicite-d-independance.php
Il y a du Tsipras dans l’air…
Wait and See
Jean LENOIR