La dé-dollarisation se poursuit : la Chine et l’Iran éliminent le billet vert du commerce bilatéral

« La boucle de la dé-dollarisation est bouclée. Ce qui a commencé par des échanges entre la Russie et l’Iran, puis entre la Russie et la Chine, se termine par les échanges entre l’Iran et la Chine »

« Plus Washington se déchaîne contre ceux qui ne veulent pas s’incliner devant l’ordre mondial unipolaire, plus le reste du monde se rebiffe. À l’aube du lancement de son contrat à terme sur le pétrole, la Chine intensifie son programme de dé-dollarisation en cherchant un accord bilatéral rial-yuan avec l’Iran.

À titre de rappel, rien ne dure éternellement…

L’ancien économiste en chef de la Banque mondiale veut remplacer le dollar américain par une super-monnaie mondiale unique, affirmant que cela va créer un système financier mondial plus stable. « La domination du billet vert est la cause première des crises financières et économiques mondiales », a déclaré Justin Yifu Lin à Bruegel, un groupe de réflexion sur la recherche politique basé à Bruxelles, ajoutant que « la solution à cela est de remplacer la monnaie nationale par une monnaie mondiale ».

La fin de l’hégémonie du dollar est inéluctable. Comme l’a dit le président russe Vladimir Poutine il y a presque deux mois lors du sommet des BRIC à Xiamen :

« La Russie partage les inquiétudes des pays du BRICS quant à l’injustice de l’architecture financière et économique mondiale, qui ne tient pas compte du poids croissant des économies émergentes. Nous sommes prêts à collaborer avec nos partenaires pour promouvoir les réformes de la réglementation financière internationale et surmonter la domination excessive d’un nombre limité de monnaies de réserve. »

Comme l’a récemment noté Pepe Escobar, « surmonter la domination excessive du nombre limité de monnaies de réserve » est la manière la plus polie de qualifier ce dont les BRICS ont discuté depuis des années, à savoir, comment contourner le dollar américain, ainsi que le pétrodollar.

Beijing est prêt à intensifier le jeu. Bientôt, la Chine lancera un contrat à terme sur le pétrole brut libellé en yuans et, comme le rapporte Russia Today, Téhéran et Pékin sont déterminés à éviter l’utilisation du dollar américain comme monnaie de règlement dans leurs échanges, selon un rapport du quotidien économique iranien Financial Tribune.

Le sujet de la dé-dollarisation a été soulevé lors d’une réunion entre le principal conseiller politique du gouvernement chinois, Chen Yuan, et les responsables de la banque centrale iranienne à Téhéran. Selon le gouverneur de la Banque centrale iranienne, Valiollah Seif :

« L’accord monétaire bilatéral rial-yuan peut avoir un rôle important dans l’augmentation du volume des échanges entre les deux pays et, à cet égard, nous avons mené une série de négociations avec le président de la banque centrale de la République de Chine. »

Téhéran a poursuivi son objectif d’éliminer le dollar dans son commerce et a essayé de signer des accords d’échange de devises avec quelques pays ciblés.

Chen a dit que l’Iran et la Chine devraient développer leurs liens bancaires et ont également souligné l’injustice du système financier existant, dominé par quelques pays développés. Il a ajouté, cité par le quotidien financier iranien, que les autres nations feraient mieux si ce système injuste était éliminé :

« Nous pourrions utiliser l’expérience des pays européens avec l’euro en tant que monnaie commune entre de nombreux pays, et qui n’est pas exclusivement contrôlée par un seul pays. Mais d’ici là, nous devons utiliser le maximum de capacités disponibles pour étendre nos relations bancaires. »

Comme Federico Pieraccini l’a déjà noté, jusqu’à il y a quelques décennies, toute idée de s’éloigner du pétrodollar était considérée comme une menace directe à l’hégémonie mondiale américaine, nécessitant une réponse militaire. En 2017, compte tenu du déclin de la crédibilité des États-Unis à la suite de guerres contre des pays plus petits – évitant de se frotter à des pays comme la Russie, la Chine et l’Iran qui ont des capacités militaires auxquelles les États-Unis n’ont pas fait face depuis plus de soixante-dix ans – la récession générale du système basé sur le dollar s’installe dans de nombreux pays.

Ces dernières années, il est devenu évident pour de nombreuses nations opposées à Washington que la seule manière de contenir de manière adéquate les retombées de l’effondrement de l’empire américain est d’abandonner progressivement le dollar. Cela permet de limiter la capacité de dépenses militaires de Washington en créant les outils de rechange nécessaires dans les domaines financier et économique qui élimineront la domination de Washington. C’est essentiel dans la stratégie russo-sino-iranienne pour unir l’Eurasie et ainsi mettre les États-Unis hors-jeu.

La dollarisation pour Pékin, Moscou et Téhéran est devenue une priorité stratégique. L’élimination de la capacité de dépense illimitée de la Fed et de l’économie américaine entraînera la limitation de l’expansion impérialiste américaine et réduira la déstabilisation mondiale. À l’abri de la puissance militaire américaine, employée habituellement pour renforcer et imposer l’utilisation des dollars américains, la Chine, la Russie et l’Iran ont ouvert la voie à d’importants changements dans l’ordre mondial.

Les États-Unis se sont tiré une balle dans le pied en accélérant ce processus par l’exclusion de l’Iran du système SWIFT – ouvrant la voie à l’alternative chinoise, connue sous le nom de CIPS − et en imposant des sanctions à des pays comme la Russie, l’Iran et le Venezuela. Cela a également accéléré l’exploitation minière et l’acquisition d’or physique par la Russie et la Chine, ce qui est en contraste direct avec la situation aux États-Unis, accompagnée de rumeurs selon lesquelles la Fed ne posséderait plus d’or. Ce n’est pas un secret que Pékin et Moscou visent une monnaie adossée à l’or si le dollar devait s’effondrer. Cela a poussé les pays intransigeants à commencer d’opérer dans un environnement non dollar et à travers des systèmes financiers alternatifs. Pour la Chine, l’Iran et la Russie, ainsi que d’autres pays, la dédollarisation est devenue une question urgente ».

Tyler Durden, ZeroHedge, le 11 décembre 2017

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

Rappels :

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A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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5 commentaires pour La dé-dollarisation se poursuit : la Chine et l’Iran éliminent le billet vert du commerce bilatéral

  1. Robert dit :

    Un axe Moscou-Pékin est extrêmement dangereux pour les américains… La remise en cause de la domination de l’ USD est un casus belli. Comment va se positionner l’ Europe ? Sera-t-elle capable de se dégager de la férule U.S ?

  2. zorba44 dit :

    Ils ont scié la branche-maîtresse de l’arbre et se retrouvent le cul par terre …et c’est tant mieux !

    Jean LENOIR

  3. brunoarf dit :

    Mercredi 27 décembre 2017 :

    En 2017, la fortune des milliardaires a augmenté de 23 %.

    1.000 milliards de plus pour les milliardaires du monde.

    Les 500 personnes les plus riches du monde ont vu leur fortune augmenter de 23 % en un an pour atteindre plus de 5.400 milliards de dollars fin 2017. Conséquence de la flambée des Bourses mondiales.

    https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/0301071933165-1000-milliards-de-plus-pour-les-milliardaires-du-monde-2141225.php

  4. Dom le dodo dit :

    « La dé-dollarisation se poursuit »: TANT MIEUX !

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