Attentats du 13 novembre : les “failles” de la police belge dans la surveillance des frères Abdeslam

« Dans les deux cas, il est décidé de procéder à des repérages téléphoniques, mais d’en geler les résultats, c’est-à-dire de ne pas les exploiter. »

Pour ceux qui auraient encore des doutes sur les vrais commanditaires de ces attentats… Quant aux failles, elles ressemblent étrangement à des ouvertures.

– La Rédaction d’E&R –

ENQUETE FRANCE TELEVISIONS – Ce sont 82 pages confidentielles, classifiées, rédigées par le Comité P (comité permanent de contrôle des services de police), la police des polices belges. Un rapport sur les attentats du 13-Novembre, jamais transmis à la justice française, qui l’a pourtant demandé. « L’Œil du 20 heures«  a pu le consulter. Il révèle de nombreux dysfonctionnements dans la surveillance des frères Abdeslam, plusieurs mois avant les attentats de 2015.

Dès juillet 2014, dix-sept mois avant les attentats, un policier belge reçoit un signalement d’un informateur, qu’il dit avoir transmis à sa hiérarchie. Cela concerne les frères Abdeslam, et leur lien avec celui qui sera le coordinateur des attentats, Abdelhamid Abaaoud. « Les frères en question auraient déclaré vouloir commettre un ‘acte irréparable’ et se rendre en Syrie« , résume le rapport. Mais aucune suite n’est donnée. L’information n’est consignée nulle part, selon le Comité P.

En janvier 2015, dix mois avant les attentats, un autre signalement sur la radicalisation des deux frères conduit cette fois la police bruxelloise à rédiger deux procès-verbaux. Salah et Brahim Abdeslam sont entendus l’un après l’autre, mais ils nient toute radicalisation et velléité de départ en Syrie, alors même que Brahim en revient.

« Je travaille pour rien », déplore un policier

L’enquête ne va pas beaucoup plus loin. « Les dossiers des frères Abdeslam n’ont jamais été effectivement attribués à quelqu’un, de sorte qu’il n’y a pas eu de responsable d’enquête », s’étonne le rapport confidentiel. Un policier belge que nous avons contacté déplore lui-même l’inertie de l’enquête, alors qu’il aurait transmis des documents attestant de la radicalisation préoccupante de Salah Abdeslam : « Il y a plein de choses que j’ai dites, que j’ai mises en avant, j’ai tiré la sonnette d’alarme : c’est tombé aux oubliettes. Ça m’est arrivé plein de fois de me dire ‘mais putain je travaille pour rien, en fait !‘ »

« Des menaces d’attentat, de radicalisation sévère, des contacts avec des gars partis en Syrie, ce n’est quand même pas rien ! Ils auraient dû procéder à une arrestation beaucoup plus rapidement« , ajoute, amer, le policier.

Des investigations téléphoniques inexploitées

Aucun responsable d’enquête n’est désigné et les investigations sur les deux frères Abdeslam sont laissées en suspens, faute de moyens, selon les investigations du Comité P : « Dans les deux cas, il est décidé de procéder à des repérages téléphoniques, mais d’en geler les résultats, c’est-à-dire de ne pas les exploiter. » Même le matériel informatique de Brahim Abdeslam, saisi lors d’une perquisition, restera inexploité jusqu’aux attentats. En juin 2015, cinq mois avant les attentats, après une enquête inaboutie, un magistrat fédéral classe le dossier sans suite.

Les services belges continuent de recevoir des signalements de déplacements suspects, trois mois avant les attentats : le 5 août 2015, Salah Abdeslam est contrôlé à la frontière grecque où il embarque pour l’Italie. Puis le 9 septembre, en Autriche. Enfin, le 23 octobre, trois semaines avant les attentats, il arbore même un drapeau de l’organisation Etat islamique sur les réseaux sociaux.

Un responsable de la sûreté de l’Etat belge reconnaît « être passé à côté »

La police belge n’exploitera pas ces éléments, le dossier ayant été classé. Pour Gérard Chemla, avocat de 137 victimes, ce rapport, jamais déclassifié depuis 2016, est accablant. Il demande à ce qu’il soit rendu public, et cité au procès. “Quand on maintient quelque chose secret, c’est qu’on a des choses à cacher. C’est absolument invraisemblable que l’on ne s’incline pas devant tous ces morts en leur disant qu’on a fait des bêtises, qu’il y a des choses qui ont fonctionné et d’autres qui n’ont pas fonctionné, et de présenter ses excuses pour ses erreurs. C’est honteux.« 

Contacté, un responsable de la sûreté de l’Etat belge à l’époque reconnaît être “passé à côté”. Quant au gouvernement belge, il invoque la sûreté nationale pour expliquer la non-diffusion de ce rapport.

Parmi nos sources : rapport final du Comité P. Liste non exhaustive.

Francetvinfo.fr, le 13 septembre 2021 (via E&R)

Rappels :

En juillet 2014, on savait tout des frères Abdeslam

Procès des attentats du 13 novembre 2015 : de nombreuses zones d’ombre

Terrorisme sous faux drapeau, illusion démocratique : Mélenchon lève un coin du voile

A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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10 commentaires pour Attentats du 13 novembre : les “failles” de la police belge dans la surveillance des frères Abdeslam

  1. zorba44 dit :

    Qui a dit que les services servent à quelque chose…
    Repérer, écouter, suspecter …comprendre …mais référer ou transmettre sans savoir si cela va plaire ou déplaire ?

    …risque que tout fonctionnaire n’aime pas prendre ! C’est que la place est bonne …résultats ou absence de résultats !!!

    Un « suicide » de commissaire qui avait tout compris, cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ?!

    Jean LENOIR

    • Alan.144 dit :

      Bonjour Jean,

      Faites-vous allusion au commissaire qui enquêtait sur Charlie Hebdo et que l’on a retrouvé suicidé  » de 2 balles dans la tête « .
      Là encore, c’était énorme puisque, en effet, les 2 policiers des « services spéciaux » ont déclaré (de mémoire) :  » Il est allé dans son bureau et comme au bout d’un moment on ne le voyait pas revenir, on est allé voir et il s’était suicidé.  » — Mais s’il s’est tiré une balle dans la tête, ils ont forcément entendu la détonation. … Aussi gros que les passeports des terroristes retrouvés dans les décombres des Tours Jumelles.

      • zorba44 dit :

        Oui j’ai voulu voir si on se souvenait d’Helric Fredou, un commissaire à la tête sympa d’un honnête homme qui devait rendre un rapport explosif car il avait tout compris… et qui le paya de sa vie.

        Me semble-t-il le rapport disparut par la même occasion !

        Jean LENOIR

      • Exact Jean. Un rapport sur Jeannette Bougrab (et son environnement familial), qui s’est présentée comme la dernière compagne de Charb après l’assassinat de celui-ci…

  2. Alan.144 dit :

    C’est une miraculée, et elle ne le sait pas :

    « Maman, tu as oublié de me donner la Carte Vitale, du coup, ils ont refusé de me vacciner ce matin et c’est reporté à décembre. »

    C’est le message qu’a reçu aujourd’hui, de la part de sa fille, une aide ménagère qui s’occupe de ma mère.

    • Alan.144 dit :

      PS: J’ai oublié de préciser que la vaxx avait lieu au lycée.

      • zorba44 dit :

        Je pense Alan que vous allez devoir expliquer à cette dame qu’elle risque de perdre son emploi si sa fille est vaccinée en décembre en raison de leur contagiosité due à l’oxyde de graphène et aux protéines Spike…

        …Ici nous repoussons tous les voyageurs de fin d’année qui veulent réserver chez nous s’il ne nous donne pas une déclaration individuelle signée qu’ils ne sont pas vaccinés et ne le seront pas lors de leur séjour.

        Je me suis fait insulter par un groupe de huit jeunes docteurs en droit… lesquels ont dû battre retraite car les règles de l’hospitalité en NZ voient leur acceptation à la discrétion des établissements sans recours possible (sauf refus racistes !)…

        …Si on a personne au moins on passera les fêtes de fin d’année tranquilles !

        Jean LENOIR

  3. mark knopfler dit :

    « Contacté, un responsable de la sûreté de l’Etat belge à l’époque reconnaît être “passé à côté”. Quant au gouvernement belge, il invoque la sûreté nationale pour expliquer la non-diffusion de ce rapport. »

    Info absolument contradictoire et entrainant une dissonance cognitive.
    Un responsable de la sureté qui reconnait d’être « passé à coté » quand le gouvernement évoque une « question de sécurité nationale », c’est assez énorme.
    A ce niveau de dossier ultra sensible, la com’ est maitrisée dans sa verticalité hiérarchique.

    Ou alors c’est la signature d’une incopétence crasse, ce qui est encore plus grave.

    • MD dit :

      Etant belge et connaissant la mentalité, je pencherais plutôt pour la deuxième hypothèse!

      • mark knopfler dit :

        L’incompétence, l’impéritie, c’est l’excuse facile pour occulter l’innommable et l’indicible.
        Dans un tout autre domaine, combien d’articles pour expliquer l’impéritie des Etats lors de l’arrivée du covid depuis l’Italie ?

        Des centaines qui tapaient allégrement sur la prétendue incompétence crasse de leurs incarnations, suite à des décisions jugées contradictoires et pas la hauteur.

        En fait, l’incompétence cache la volonté.

        L’incompétence, c’est la variable locale des sous-programmes, la volonté, c’est la variable globale du programme.
        En posant incompétence = volonté, alors la variable locale masque la variable globale.

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