Dette sociale : nos enfants paieront !

Enorme scandale passé presque complètement inaperçu dans les grands médias. L’Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus hier soir mercredi à un accord sur le projet de loi organique sur la gestion de la dette sociale, qui prévoit notamment de prolonger de 4 ans (jusqu’en 2025) la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

Rappelons que la Cades a été créée en 1996 par le gouvernement Juppé pour « reprendre » les dettes de la Sécurité sociale, 21 milliards d’euros à l’époque. On l’alimenta en créant la fameuse CRDS (Contribution au remboursement de la dette sociale), soit 0,5% des revenus salariaux, des pensions de retraite, des allocations familiales et des revenus financiers.

Comme toujours en France, cette structure annoncée comme provisoire ne l’est pas restée longtemps. Chargée de nouvelles dettes à amortir, la Cades a vu son bail prolongé à plusieurs reprises, d’abord jusqu’en 2009 puis pour une durée indéterminée. Mais sans ressources nouvelles.

Réagissant à ces facilités abusives, les députés ont voté en 2005 une nouvelle loi imposant à la Cades d’aligner des ressources nouvelles en face des dettes, avec une dissolution prévue en 2021. En 2006, après transfert d’une nouvelle dette de 27 milliards, une ressource supplémentaire a été créée grâce à l’affectation à la Cades de 0,2 % des revenus, sous forme de Contribution sociale généralisée (CSG).

Et voilà qu’aujourd’hui, le gouvernement veut « exceptionnellement » modifier le régime de la Cades pour qu’elle puisse absorber, notamment, les nouveaux déficits « de la crise ».
Au total, ce sont près de 130 milliards d’euros de déficits cumulés qui doivent lui être transférés ! Pour ce faire, l’exécutif a choisi de reporter à 2025 la dissolution de la caisse, en lui apportant 3,2 milliards d’euros de ressources nouvelles.

Quand je dis scandale, je ne fais que rapporter les propos de nombreux députés de la majorité eux-mêmes, ulcérés de ce nouveau coup porté à un dispositif qui ne devait plus être modifié depuis la loi de 2005. Le vote a d’ailleurs été serré. Mais quand on veut cacher la poussière sous le tapis…

Fait unique dans les annales parlementaires et rapporté par l’AFP, le rapporteur du texte à l’Assemblée (et président de la Commision des lois) Jean-Luc Warsmann, opposé à cette mesure, a été écarté de la commission mixte paritaire… De même que le rapporteur pour avis, Yves Bur (UMP), lui aussi hostile à l’allongement de la durée de vie de la Cades.

L’argument avancé par le gouvernement est qu’il ne faut pas casser les chances d’une reprise en augmentant les impôts (une hausse de la CRDS). En réalité, c’est l’élection de 2012 qui est dans les esprits. Et face au besoin compulsif de consommer des générations actuelles, le sort des générations futures ne pèse pas lourd. Avec nous Ponzi, après nous le déluge…

Source : AFP

A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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6 commentaires pour Dette sociale : nos enfants paieront !

  1. Jean LENOIR dit :

    Je commence à avoir pitié de nos jeunes à qui on ôte l’espoir et qui sans doute ne peuvent avoir de repères dans une société perdue – non que je puisse approuver les débordements dont l’actualité récente nous abreuve, alors que votre serviteur était lui-même inquiet pour son avenir dès 1970 à l’orée de sa vie professionnelle.
    Une société qui n’aime pas ses jeunes est une société, par nature, violente. Le Président d’un pays qui n’aime pas les jeunes, c’est de l’ultra-fascisme de génération, c’est ce tableau terrifiant dont je ne retrouve le nom où un dieu dévore un enfant.
    Saint-Exupéry écrivait « L’avenir ne nous appartient pas, nous ne faisons que l’emprunter à nos enfants ».

    Notre société matérielle est devenue une société de suicide car nous tuons nos enfants et nous nous tuons donc nous-mêmes. Si l’histoire trace la mémoire du 20ème siècle ou celui du 21ème, s’il y a encore une histoire il faudra beaucoup pour l’enjoliver. Aucun député, aucun homme d’état n’est monté au créneau des media pour hurler son indignation, son dégoût et sa colère.

    C’est bien là de la fange qu’on remue, surtout lorsque les élus rejettent la propre réforme de leur régime très excessif de retraite. Ces gens-là n’ont pas de conscience. Je suis dégoûté d’être français, j’en ai honte.

    Merci Olivier de tirer les sonnettes d’alarme. Le journalisme doit être le phare de l’innommable, de l’énormité et de la dépravation morale.

    Jean LENOIR

  2. Oui M. Lenoir, la jeunesse d’aujourd’hui a de quoi se révolter, même si le discours des jeunes manifestants prouve qu’ils n’ont compris ni les déterminants ni les enjeux réels de la crise. Ils se trompent de combat. Ils volent au secours d’un statu quo qui n’est pas à leur avantage, qui ne sert l’intérêt que des générations précédentes.

    Les générations de l’après-guerre (les « baby boomers ») ont vécu à crédit, bien au-dessus de leurs moyens et en travaillant toujours moins, sans se préoccuper de savoir qui financerait ce train de vie… On verrait plus tard !

    Ce sont les jeunes qui paient aujourd’hui l’addition et qui vont continuer à la payer, et les générations suivantes après eux. Ce sont les « baby losers ». Ceux qui sont aux commandes, actifs ou retraités, refusent de se serrer la ceinture.

    Mais je ne suis pas certain que ce report des sacrifices à plus tard, et à d’autres, puisse tenir bien longtemps.

    Ni d’ailleurs la deuxième énorme injustice, dont les Français prennent de plus en plus conscience : l’aspiration par l’oligarchie bancaire et financière d’une partie très importante des richesses du pays, grâce (entre autres) à la loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973.

  3. Choki dit :

    La génération de 68 a eu pour seul mot d’ordre : Renier le passé, se f… de l’avenir (« no future ») et JOUIR au maximum du présent.

    Ils ont cherché à faire payer par leurs enfants leur égoïsme de décadents finis ; leurs enfants vont le leur faire payer avant qu’ils ne disparaissent…

  4. Three piglets dit :

    « Et face au besoin compulsif de consommer des générations actuelles, le sort des générations futures ne pèse pas lourd.  »

    Vous n’avez pas tort, et vu le niveau intellectuel « de la jeunesse », on comprend qu’un changement de politique ne sera pas du à un volontarisme collectif.

    Cela dit, il y a plus de chance que cette dette soit annulée par défaut de paiement suit à la crise systémique de l’Occident.

    Il y aura donc une justice immanente.

  5. Clemysouris dit :

    M. Demeulenaere je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous lorsque vous dites « la jeunesse d’aujourd’hui a de quoi se révolter, même si le discours des jeunes manifestants prouve qu’ils n’ont compris ni les déterminants ni les enjeux réels de la crise ».

    La jeunesse est ignorante car la censure est omniprésente. Nous sommes dans une dictature qui ne dit pas son nom où toute dissidence est systématiquement anéantie par des campagnes de dénigrement. En 2007, M Bayrou après avoir fait un très bon score à été marginalisé puis traité par les médias comme un demeuré. Maintenant, on fait la promotion de Mme Joly pour empêcé un discours alternatif émergé chez les écologiste comme M Cochet qui pointe sans cesse du doigt le pic pétrolier et l’entrée de notre monde dans la décroissance. D’autres, comme M Dupont Aignan ou M Mélanchon sont traités de populiste alors qu’ils pointent chacun à sa manière les maux de la société. Tout ce qui va à l’encontre du dogme de l’absurde croissance infinie dans un monde fini sont systématiquement décrédibilisé.

    Notre civilisation industrielle s’effondre mais chut il ne faut pas le dire !

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