« Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
Tout d’abord je voulais vous souhaiter tous mes meilleurs vœux de santé et de bonheur pour cette nouvelle année 2013 qui s’ouvre. Nous ne devrions pas nous embêter cette année, et l’actualité économique sera sans doute très riche.
Tout s’est passé comme prévu
Bon, disons-le, l’année commence bien. Enfin pour la Bourse qui décide de monter de 2 % grâce à la bonne nouvelle du fiscal cliff. Les Etats-Unis ont évité de tomber de la falaise fiscale avec un accord de dernière minute qui augmente les impôts des ménages gagnant plus de 450 000 dollars !!
Ce qui m’inspire la remarque que la définition d’un « riche » entre la France (où notre Président avait déclaré qu’un riche c’est quelqu’un qui gagne plus de 4 000 € par mois) et les Etats-Unis n’est pas vraiment la même. Mais ce n’est pas le plus important.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’en ce qui concerne les coupes budgétaires et le reste des sujets du fiscal cliff, ils sont renvoyés à une négociation ultérieure devant aboutir à un nouvel accord dans les deux mois qui viennent.
En réalité, encore une fois, rien n’est réglé. Le déficit US est toujours là. La dette américaine, qui grossit de jour en jour, est toujours là. Mais pour le moment et pour deux mois encore, l’argent gratuit coulera à flot, alors… le show peut continuer, les Bourses peuvent monter, les robots de trading peuvent « roboter » et tout va bien dans le meilleur des mondes. Fin de l’histoire et fin de la crise.
La France en fureur !
Le 20 décembre, France 2, notre chaîne nationale, diffuse dans son JT de 20 heures deux fictions. Deux scénarios économiques pour 2013. Le premier est le scénario rose, qui globalement n’a retenu l’attention de personne semble-t-il parce que personne n’y croit vraiment.
Puis vient le scénario noir. Celui d’une forme d’effondrement économique avec, à la fin de l’année 2013, l’explosion de l’euro sur fonds d’émeutes urbaines… surtout en Espagne (il ne faut pas nous dire tout de même que cela pourrait se passer en France).
C’est une grande première. L’hypothèse d’un scénario noir, évoqué au JT à l’heure de plus grande écoute, puisqu’il s’agit de la grand-messe cathodique. Normalement, tout va mieux que bien et le pire forcément derrière nous. En dehors du fait que le scénario noir présenté est parfaitement crédible et les enchaînements plutôt bien faits, ce qui est passionnant c’est la réaction des gens face à une réalité « fiction » présentée qui dérange le confort intellectuel et psychologique des masses.
C’est du « vrai » journalisme que France 2 nous a offert. Sous forme de fiction, cela permet d’initier une réflexion et un débat autour de l’économie. C’est suffisamment rare pour être souligné et pour féliciter France Télévision de cette initiative courageuse. L’information, en tant que contrarien nous le savons bien, cela peut déranger.
Un déni généralisé de la gravité de la situation
Or les réactions « populaires » sont unanimes et très, très négatives. Les insultes à caractère professionnel proférées à l’encontre de Monsieur Pujadas sont très nombreuses. Cela va de « rendez votre carte de presse » à « vous ne savez plus ce que c’est qu’informer » en passant par « vous êtes un incompétent ».
Mais quelle incompétence y a-t-il à évoquer des scénarios ? Quelle incompétence y a-t-il à vouloir faire « réfléchir » ?
Voici quelques commentaires représentatifs que j’ai sélectionnés pour vous
Monsieur X
« Nuls hier soir les 2 pseudos scenarii pour 2013.
Si les présentateurs ont voulu faire peur aux Français, c’est gagné !
Pourquoi avoir voulu faire ces clips dont l’un était trop pessimiste et l’autre trop optimiste, à quoi ont joué les concepteurs ?
Il aurait été plus raisonnable de rester dans « l’information » !
Le téléspectateur veut de l’information, pas du baratin dirigé, aucun journaliste ne sait plus travailler, sans faire transpirer ses opinions, et essayer de les faire partager.
INFORMATION, pas science-fiction ou commentaires tendancieux ! »
Pour Monsieur X, ce reportage « fait peur ». Il faut bien comprendre que personne, personne à part quelques rares « pessimistes » dont je revendique faire partie, n’accepte l’idée que nous ne sommes pas mieux que les Grecs ou les Espagnols et que ce qui leur arrive… va sans doute nous arriver aussi, même s’il y aura certainement quelques différences.
La « peur » qu’a suscitée ce scénario est l’un des reproches les plus nombreux faits à notre chaîne nationale. Nos concitoyens ne veulent pas avoir peur. Ils veulent pouvoir continuer tranquillement leur rêve d’État-providence éternel.
Ou encore le commentaire de Monsieur Y plutôt laconique.
« Le journal télévisé est sorti de son rôle c’est le moins que l’on puisse dire ! »
Aucune réflexion, aucun recul, juste un agencement fort d’être dérangé pendant son dîner sur ses certitudes de bien-être matériel éternel.
Ou encore le commentaire de Monsieur Z, l’un de mes préférés.
« David Pujadas et François Lenglet ne sont plus dans leur rôle de journalistes. Ils font de la politique fiction, et devraient être sanctionnés pour de tels débordements. Ils sont payés par A2 pour informer, pour renseigner, et non pour mettre la pagaille dans la tête de certains qui sont un peu faible d’esprit…. ».
Pour Monsieur Z, il faudrait carrément « sanctionner de tels débordements » car tenez-vous bien, cela « met la pagaille dans la tête de certains » qui pourraient commencer à comprendre ce qui pourrait se passer… et cela ne doit surtout pas arriver pour que le rêve général puisse se poursuivre.
Ce que l’on voit à travers ces commentaires, c’est que les gens ne veulent en réalité pas être informés. L’information, la vraie justement, ils ne veulent pas l’entendre. Les téléspectateurs et les citoyens eux-mêmes deviennent leurs propres autocenseurs. C’en est remarquable de bêtise et aussi de tristesse.
La rigueur sera forcément pour les autres
Pendant les fêtes, c’est bien sûr l’occasion de se retrouver en famille et entres amis. Ce fut bien sûr mon cas.
J’ai constaté une nouvelle fois le déni de la réalité, déni qui s’exprime qui plus est en fonction des « préoccupations » de la personne concernée.
Aimant bien mettre une ambiance saine dans les dîners en ville au plus grand désarroi de mon épouse qui désespère de faire un jour de son époux un Homme « sortable » et « politiquement correct », je n’ai pas résisté à quelques provocations intellectuelles.
Première cible : une copine médecin, charmante et intelligente de surcroît. « Dis-moi copine, toi qui est docteur, tu sais qu’en Grèce et en Espagne on ne trouve plus de médicaments ou très difficilement car les laboratoires pharmaceutiques qui ne sont plus payés ou remboursés ne livrent tout simplement plus les pharmacies, quels sont les cinq médicaments les plus importants que tu stockerais au cas où… surtout pour les enfants? »
Sa réponse : « Tu sais, il est impossible qu’il n’y ait plus de médicaments en France. Ils supprimeront les retraites, mais de quoi soigner on aura toujours ce qu’il faut… » Circulez, il n’y a rien à voir, et ne demandez pas à un médecin d’imaginer exercer la médecine sans pouvoir prescrire une liste à la Prévert de cachets modernes.
Deuxième cible : les retraités de la famille. « Alors ? Etes-vous prêts à une baisse importante de vos pensions de retraites dans les mois qui viennent (ça c’est pour faire très peur) ? »
Leur réponse unanime ? « Impossible qu’ils baissent les retraites et les pensions (ce qui est le cas partout en Espagne, en Grèce on n’en parle même pas, et même au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis) ! »
Pourquoi ?
Parce que nous, les retraités, nous représentons un poids électoral trop important !
Brillant raisonnement. « Oui mais les caisses sont vides, donc comment vont-ils payer vos retraites ? » « Ho, ils couperont dans les dépenses de la sécu et rembourseront moins les médicaments… On augmentera un peu les taxes et la CSG mais on continuera à payer les retraites. C’est impossible de ne plus les payer. »
Impossible, sans doute comme en Grèce. Impossible, sans doute comme en Espagne, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, où les séniors vivent au mieux très « petitement », et le plus souvent, travaillent à des âges surprenants pour des salaires de misère, ou doivent se contenter de bons d’aides alimentaires.
Le déni se poursuit
Alors cette nouvelle année s’ouvre sur des stations de ski qui ont fait le plein de touristes pour les fêtes. Les huîtres n’ont jamais été aussi chères (j’en sais quelque chose), les retraites ont été payées, les chômeurs ont été indemnisés, les médicaments ont été remboursés.
Le déni généralisé peut se poursuivre en ce début d’année. Je ne suis pas inquiet pour le début d’année, il y a de l’inertie dans l’économie et la Grèce a mis cinq années avant d’en arriver à sa situation actuelle.
Mais hélas, pour beaucoup, la deuxième partie de l’année 2013 sera certainement celle de la prise de conscience que la situation devient vraiment difficile pour tout le monde, et pas uniquement pour le voisin.
Le réveil sera douloureux pour la grande majorité des gens, c’est ce que nous montre ce reportage que France Télévision a eu le courage de diffuser… Et qui sait, si l’objectif n’était pas aussi, justement, de commencer à préparer la population française à un futur compliqué et à une austérité douloureuse, car il ne faut pas se leurrer, l’austérité heureuse cela n’existe pas.
Alors encore une fois, je vous présente tous mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année qu’à mon sens vous devrez consacrer avant tout à la protection de votre patrimoine et de votre famille pour vous permettre d’aborder au mieux la plus grande période d’incertitudes économiques que nous avons jamais eu à affronter depuis la Seconde Guerre mondiale.
Bon courage.
Au fait, ma femme me dit qu’elle vous souhaite à tous une excellente année, qu’il ne faut pas trop m’écouter, que je suis un indécrottable pessimiste… si c’est ma femme qui le dit!! »
Charles Sannat*, Le Contrarien matin du 3 janvier 2013
*Directeur des études économiques chez AuCOFFRE.com
Addendum : la « page spéciale » de France 2
Moi je suis morte « de trouille » car ils sont capables de tout ………..
Et voilà pour le Grèce :
** Qui veut détruire la Grèce ? **
Le compositeur et ancien ministre grec Míkis Theodorákis ne croit pas que
son pays soit responsable du malheur financier qui l’accable. Il décèle
derrière cette crise la main de Washington et dénonce le rôle du FMI.
http://www.voltairenet.org/article165288.html
Jeudi 3 janvier 2013 :
Zone euro : les crédits au secteur privé toujours en recul en novembre pour le septième mois d’affilée.
Les crédits au secteur privé en zone euro ont continué à reculer en novembre, pour le septième mois d’affilée, avec une baisse de 0,8%, égale à celle enregistrée en octobre, selon des chiffres communiqués jeudi par la Banque centrale européenne (BCE).
Le chiffre d’octobre a été révisé en baisse : le mois dernier, la BCE parlait d’un recul de 0,7%.
Les crédits aux ménages sont restés stables par rapport au mois d’octobre, à +0,4%, tout comme une de leurs composantes, les prêts immobiliers (+1,2%), et à l’instar des prêts aux sociétés non-financières (-1,8%).
La situation des prêts aux intermédiaires non financiers s’est légèrement améliorée. Ils ont affiché un repli de 1,8% en novembre, après -2,2% en octobre.
« La faiblesse du crédit provient sans aucun doute en partie de la faible demande de la part du secteur privé non financier », a souligné Howard Archer, économiste d’IHS Global Insight.
« Néanmoins, l’inquiétude provient du fait qu’un certain nombre d’entreprises qui veulent effectivement emprunter, que ce soit pour soutenir leur activité, pour investir ou pour explorer de nouveaux marchés, et qui sont en bonne santé, ont des difficultés à le faire », estime-t-il, ajoutant que « les conditions de crédit difficiles handicapent les perspectives de croissance de la zone euro ».
http://www.boursorama.com/actualites/zone-euro-les-credits-au-secteur-prive-toujours-en-recul-en-novembre-5c21c825cdb32007522726ea9d644e32
Mais l’austérité à laquelle est soumis l’Europe est un choix politique. Ce n’est pas une fatalité. C’est une décision politique et économique. Quand Merkel annonce que cette politique est en train de porter ses fruits, je me demande vraiment quel est le but recherché. Il donne l’impression d’un mélange de rédemption quasiment mystique entre protestantisme et religion libérale. Le danger avec ces comportements est que dans le plus évident des échecs, les porteurs d’une telle croyance y puiseront de nouveaux arguments pour aller encore plus loin. La valeur de l’euro est même devenue un tabou dont s’interdise de parler Merkel et la BCE pourtant une baisse de l’euro soulagerait les européens et nous inciterait pourtant à produire chez nous ce qu’il est censé être moins cher d’acheter ailleurs. La phrase déshabillée.
Charles Cassa,dre Sannat, qu’avez-vous à vendre ? « au coffre » ??