Attention danger : les banques sous-estiment sciemment leurs risques (Ph. Herlin)

valorisation risque krach bancaire« Il ne faudrait plus s’inquiéter pour nos économies, nous expliquent les banques, la crise est passée et les ratios de solvabilité se sont nettement améliorés. Les banques se plaisent en effet à souligner que les risques sont sous contrôle, que leur matelas de liquidité s’avère suffisant.

Le problème est que cette réduction des risques ne provient pas uniquement d’un comportement plus vertueux, mais également en partie de dissimulations. En effet, « Selon certains analystes, les banques auraient révisé leurs modèles de risque de façon à abaisser leurs niveaux de fonds propres requis, en sous-estimant le risque et en présentant une valorisation optimiste des actifs. » Et où lit-on cela ? Dans une obscure publication complotiste ? Pas du tout, et bien au contraire puisqu’il s’agit de rien de moins que du 84e rapport annuel de la Banque des règlements internationaux (BRI), « la banque centrale des banques centrales », notamment chargée d’édicter les normes prudentielles des banques commerciales dans le monde (Bâle III).

Le rapport précise d’ailleurs, juste après, que « ce phénomène est peut-être l’une des causes de la décote persistante sur le cours des actions des banques par rapport à la valeur comptable de leurs fonds propres. Cette préoccupation a été exacerbée par le constat que les pondérations de risque pour des actifs similaires variaient considérablement d’une banque à l’autre » (page 120). Les investisseurs et les marchés ne croient pas vraiment à une claire amélioration de la situation des banques, et ils délaissent les actions de ce secteur.

Le rapport de la BRI met aussi l’accent sur l’aveuglement des banques vis-à-vis de la dette souveraine, spécialement celle de leur propre pays. « Dans l’ensemble, les banques attribuent une pondération du risque nulle à plus de la moitié des titres de dette souveraine qu’elles détiennent » (page 121), ce qui signifie que les banques ne gardent aucune liquidité de sécurité en face de plus de la moitié de la dette souveraine qu’elles détiennent. La Grèce et Chypre n’ont donc pas servi de leçon ? Et quels sont les pays plus particulièrement concernés ? Le rapport nous le dit également : « Les banques attribuent à la dette souveraine de leur propre pays une pondération du risque considérablement plus basse que celle que lui affectent les banques des autres pays. Ce biais en faveur du pays d’origine est particulièrement prononcé dans le cas des banques portugaises, espagnoles et irlandaises et, à un degré moindre, des banques françaises, britanniques et autrichiennes. » Merci à la BRI pour toutes ces informations !

D’ailleurs, comme c’est étonnant, la semaine dernière, coup sur coup, la première banque autrichienne (Erste Bank) et la première banque portugaise (Banco Espirito Santo) ont annoncé de sérieuses difficultés (des provisions sur la Roumanie pour la première, une guerre de succession et des irrégularités comptables pour la seconde) qui ont fait chuter leur cours et, plus grave, qui posent des problèmes systémiques sur le système bancaire de leurs pays. Donc en réalité, si on comprend bien, les banques ne se sont pas vraiment prémunies contre des changements brusques dans leur environnement, et leur sous-estimation des risques les rend plus fragiles face à un événement imprévu… Voilà qui n’est pas rassurant, mais qu’il faut prendre en compte avec le plus grand sérieux, car l’information vient d’un organisme particulièrement bien informé et qui, une fois n’est pas coutume, n’use pas de langue de bois ».

Philippe Herlin, Goldbroker.com, le 10 juillet 2014

Lire aussi : Krach bancaire : un autre signe précurseur au Portugal

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A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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7 commentaires pour Attention danger : les banques sous-estiment sciemment leurs risques (Ph. Herlin)

  1. Les achats d’obligations souveraines se justifient par la pondération à taux zéro attribué par la BRI à ce type d’actifs qui servent de moyens de financement sur des opérations de produits dérivés, comme par exemple le financement de swaps de taux ou l’émissions d’obligations collatéralisées garanties par ce type d’obligations afin de minorer le risque crédit supporté par les investisseurs bancaires dans ce type de titres. La comptabilité bancaire a ceci de sympathique qu’on peut lui faire dire tout et n’importe quoi, en en fonction de règles non écrites, puisque l’application de la réglementation Bâle III et équivalents européens type directive CRD laisse au régulateur national une certaine liberté dans l’interprétation des textes et donc dans la méthodologie de calcul du capital réglementaire mis en réserves pour couvrir les pertes d’une banque causées par une dépréciation d’actifs.(risque de crédit ou de marché) ou une dégradation de ses conditions de financement (risque de contrepartie ou de liquidité). C’est la raison pour laquelle vous trouverez rarement des exemples de calcul des actifs pondérés en risques, dans la mesure où chaque banque les calcule différemment en fonction de ses propres règles contenues dans sa politique de gestion des risques, elle-même disséminée entre ses différentes filiales dépendantes de juridictions différentes. Dans ce maquis réglementaire, il est pour le moins difficile de juger de la solidité financière d’un groupe bancaire qui s’arrange toujours pour dissimuler la réalité des risques portés au bilan, même si la supervision des risques a été unifiée au niveau de la BCE où officient des fonctionnaires qui se répartissent l’analyse des bilans par nationalsité, afin d’éviter les conflits d’intérêts nationaux. A part peupler un nouveau fromages de fonctionnaires aussi impartiaux que véreux, rien n’a changé dans le monde pourri de la supervision bancaire qui s’arrange toujours pour protéger les copains qui vous ont renvoyé l’ascenseur en vous arrangeant une confortable sinécure réservés à ceux qui préparent la crise de demain avec l’expérience de la crise d’hier, qu’ils ont eux-mêmes provoquée, du temps où ils étaient banquiers.

    • Bonnal dit :

      Je partage cet avis. C’est toujours le brouillard le plus total et le monde bancaire et financier nous emmène vers le précipice, …

  2. Comme finit par l’avouer le patron d’Allianz, le problème de la dette n’est absolument pas résolu et continue même à s’aggraver dans un contexte de boulimie financière d’Etats qui n’ont toujours pas commencé à réduire leurs dettes. Comme le montre l’épisode portugais, il suffit d’un léger défaut pour que les marchés s’affolent:

    It’s one thing for a tinfoil fringe blog to repeat, month after month, that nothing in Europe has been fixed, that Draghi’s disastrous policies are merely concentraing and stockpiling even more unresolved problems – for now ignored courtesy of the gentle sprinkle of ZIRP, or rather NIRP « fairy dust » – and that just like Portugal showed panic can grip the entire continent literally overnight because everyone knows this. It is something entirely different for the CEO of Europe’s largest insurer to make the same statement.

    http://www.zerohedge.com/news/2014-07-11/ceo-europes-largest-insurer-pops-utopia-bubble-nothing-solved-and-everybody-knows-it

  3. Caro dit :

    Plusieurs nouvelles très inquiétantes :
    L’allemagne vient pour sa part d’entériner la confiscation des dépôts en cas de faillite bancaire
    (méthode Chypriote)
    http://news360x.fr/lallemagne-donne-feu-vert-confiscation-partielle-depots-en-cas-faillite-bancaire/

    Et les banques allemandes semblent avoir de gros problèmes de liquidités :
    http://www.marketwatch.com/story/germany-oks-plan-to-make-creditors-prop-up-banks-2014-07-09

    Par ailleurs aux USA de pire en pire puisqu’on parle désormais de bloquer les retraits des investisseurs :
    Là on parle carrément de bloquer les retrait des investisseurs …
    SEC Poised to Finalize Money-Fund Rules in Coming WeeksU.S. securities regulators are poised to finalize long-awaited rules intended to prevent a repeat of the 2008 financial crisis, when an investor stampede out of money-market mutual funds threatened to freeze corporate lending, according to people familiar with the process.
    The Securities and Exchange Commission is expected to vote on a plan as early as this month that would require certain money funds catering to large, institutional investors to abandon their fixed $1 share price and float in value like other mutual funds, these people said.
    The plan also would allow money funds to temporarily block investors from withdrawing their money in times of stress or require a fee to redeem shares.
    http://online.wsj.com/articles/sec-poised-to-finalize-money-fund-rules-in-coming-weeks-1404941235?mod=djemalertMARKET

    • Pourtant les Chinois transfèrent massivement leur patrimoine aux Etats-Unis. Drôle de méfiance de la part des élites chinoises envers l’économie de la leur pays dont la monnaie est appelée à supplanter le dollar comme monnaie de réserve:

      As a result, the demand for offshore transfers has skyrocketed. Patrick Chovanec of Silvercrest Asset Management estimates capital flight at $250 billion annually, and the amount may even be higher than that. As Li Youhuan of the Development & Research Center of Guangdong Social Sciences, wrote last week, the sums transferred out of the country are “gigantic.”

      Bank of China, naturally, had competition helping the Chinese put their money offshore. Said an employee of a major state bank speaking anonymously to the South China Morning Post, “BOC is not the only bank providing these kinds of services. All major banks do.” A Swiss banker called the involvement of the big Chinese institutions “an open secret.”
      http://www.forbes.com/sites/gordonchang/2014/07/13/attack-on-bank-of-china-for-money-laundering-screams-infighting-in-beijing/

  4. zorba44 dit :

    Qui cela va-t-il étonner ? Il n’y a pas plus menteur qu’un banquier qui vous ferait croire à une inondation alors que les flammes de l’incendie seraient visibles.

    Eté de tous les dangers

    Jean LENOIR

    • dedola dit :

      Le banquier est aussi le seul à vous dire de laisser votre parapluie quand il pleut et de le prendre quand il fait beau! Quand au commentaire d’un gestionnaire de fortune : un bon gestionnaire est celui qui s’occupe tellement bien de votre compte qu’à la fin, il le vide!!!!!! No comments!!!!!

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