Euro : bientôt le « crash test »

PIGS : c’est ainsi que les milieux financiers désignent le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne (Spain). C’est dire l’estime et la confiance qu’ils placent dans les « méridionaux » de l’Euroland. Il est vrai que ces pays, parfois aussi qualifiés de « pays du Club Med », ne brillent pas par leur orthodoxie budgétaire, ni par une gestion rigoureuse de leurs finances publiques. Après la Grèce, l’Espagne vient ainsi de voir sa note abaissée par les agences financières. Et l’on s’attend à ce que le Portugal et l’Italie subissent un jour le même sort.

La question, maintenant, est de savoir si l’Europe va manifester une solidarité concrète envers ses canards boiteux (pour user d’une analogie moins désobligeante), au premier rang desquels la Grèce, ou si elle va refuser d’aider les PIGS, au motif qu’on ne donne pas de la confiture aux cochons.

Un article du Monde nous fournit un début de réponse : « En théorie, le traité de Maastricht interdit toute forme d’assistance à un Etat de la zone euro en situation de banqueroute. Dans la pratique, on voit mal comment les pays d’Europe du Nord et la Banque centrale européenne pourraient laisser tomber un pays défaillant, sous peine de provoquer une grave crise de défiance vis-à-vis de l’euro. Reste à savoir comment les contribuables allemands, néerlandais ou français réagiront quand leurs impôts augmenteront pour sauver Grecs ou Portugais. La monnaie unique connaîtra alors son premier vrai « crash test », autrement dit sa capacité à résister à de sérieux accidents ».

Tout le problème vient des origines mêmes de l’euro. Conçu sur le modèle du mark, monnaie forte fondée sur une économie puissante et bien gérée, l’euro était un pari sur la convergence des différentes économies de la zone. D’où le Pacte de stabilité et de croissance (PSC), institué pour contraindre les Etats à coordonner leurs politiques budgétaires et éviter des déficits excessifs – et assoupli en 2005 pour prendre en compte les situations de récession.

Or les économies de la zone euro, loin de converger, n’ont cessé de diverger. Tant que la croissance était là, cette situation n’entraînait pas de risque mortel pour la monnaie unique. Mais aujourd’hui que la crise fait des ravages, la donne a changé. L’Europe prend de plein fouet ce que les économistes appellent un choc asymétrique. Celui-ci est un choc exogène (en l’occurrence, une crise financière) qui retentit de façon hétérogène dans une zone monétaire qui n’est pas optimale.

Qu’est donc une zone monétaire optimale ? C’est, selon son théoricien Robert Mundell, prix Nobel 1999 (l’année de la création de l’euro !), un ensemble de pays (ou plusieurs régions d’un même grand pays) dont le haut degré d’intégration économique rend bénéfique l’instauration d’une monnaie unique.  Pour définir ce haut degré d’intégration, les critères sont pour l’essentiel la mobilité des facteurs de production (libre circulation des marchandises, des capitaux et des travailleurs) et la flexibilité des prix et des salaires.

L’erreur a été de penser que la discipline nécessaire au bon fonctionnement de la zone euro, conjuguée aux efforts de rééquilibrage via les fonds structurels, finiraient par harmoniser l’ensemble. C’est le contraire qui s’est produit. Profitant de l’absence de gouvernement économique européen, le laxisme et la gabégie budgétaires ont survécu, éclatant au grand jour en même temps que la crise. Il eût fallu attendre, avant de créer l’euro, que les Etats aient apporté la preuve qu’ils étaient capables de tenir leurs engagements. Concrètement, que leurs politiques économiques aient fait de la zone euro une zone monétaire proche de l’optimum. Au lieu de quoi, « on a mis la charrue avant les boeufs ». On risque désormais de le payer d’une implosion du système. La question étant : qui sortira le premier ?


A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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4 commentaires pour Euro : bientôt le « crash test »

  1. athos dit :

    C’est vrai qu’on voit mal comment l’Union Européenne pourrait laisser tomber la Grèce étant donné les sommes en jeu : « si quelqu’un doit 1000 euros à sa banque, il a un problème ; s’il doit 300 milliards, c’est la banque qui a un problème. »

    Or la banque là, c’est l’Europe.

  2. Les banques européennes ainsi que la BCE sont effectivement en mauvaise posture. La faiblesse congénitale de la zone euro vient d’apparaître au grand jour, la Grèce étant un peu en l’occurrence son « cheval de Troie » (il y en a d’autres) :

    http://suddendebt.blogspot.com/2009/12/euros-trojan-horse.html

    D’où le recul de l’euro par rapport au dollar… c’est toujours bon à prendre !

    Cela dit, il ne faut pas oublier que les agences de notation (Fitch, S&P et Moody’s – laquelle vient à son tour de dégrader la note de la Grèce) sont anglo-saxonnes. Et que ce sont les mêmes qui n’avaient rien trouvé à redire aux subprimes ! Elles s’intéressent beaucoup moins au cas de la Grande-Bretagne ou à celui des Etats-Unis, qui ne sont pourtant pas reluisants (bien que ces pays aient la possibilité de monétiser leur dette, ce qui n’est pas le cas des Etats membres de la zone euro – à moins que la BCE ne fasse marcher la planche à billets ?).

  3. note dit :

    Fitch vient d’avertir que la Grande-Bretagne et la France risquent de perdre leur AAA :

    http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/6867797/Fitch-warns-that-Britain-and-France-risk-losing-their-AAA-rating.html

    La France a été la mauvaise surprise de l’année car son ratio déficit/PIB s’est élevé à 8,5% (hors 35 mds de l’emprunt) alors même qu’elle a subi une récession moins brutale que ses voisins.

  4. Guy dit :

    (AFP) Les pays de la péninsule ibérique, l’Espagne et le Portugal, au centre jeudi d’inquiétudes croissantes sur l’état de leurs finances publiques, font redouter aux investisseurs un scénario à la grecque, ce qui a provoqué un plongeon des Bourses de Madrid et Lisbonne.
    (…..)
    Depuis plusieurs jours, observateurs et analystes s’inquiètent de l’état des finances publiques de ces deux pays, agitant l’épouvantail de la Grèce, dont les déficits et la dette publics sont si élevés que la Commission européenne a décidé mercredi de placer le pays sous une quasi-tutelle.

    Mercredi, le commissaire européen sortant aux Affaires économiques, l’Espagnol Joaquin Almunia, avait mis la Grèce, l’Espagne et le Portugal dans le même panier, provoquant l’irritation de Madrid et de Lisbonne.

    « Certains membres de la zone euro, avec des positions de départ différentes, des caractéristiques différentes, partagent des problèmes communs », avait-il déclaré, mentionnant la Grèce, le Portugal et l’Espagne.

    Or « si la Grèce est un problème pour la zone euro, l’Espagne pourrait être un désastre parce qu’elle en est la quatrième économie », a souligné l’économiste américain Nouriel Roubini, dans une note d’analyse.
    (….)
    Entrée en récession en 2008, l’Espagne a vu ses finances publiques se dégrader à une vitesse vertigineuse, avec des déficits publics passant d’un excédent de 2,23% du PIB en 2007 à un déficit de 11,4% en 2009. Sa dette publique a grimpé de 36,2% du PIB en 2007 à 55,2% en 2009 et devrait filer jusqu’à 74,3% en 2012 selon les prévisions du gouvernement.

    Madrid a promis de ramener le déficit à 3% en 2013. Le gouvernement a annoncé la semaine dernière un plan d’austérité de 50 milliards d’euros sur trois ans, accueilli avec scepticisme par certains analystes qui jugent ses prévisions de croissance optimistes.

    Le déficit public de l’Espagne est proche de celui de la Grèce, estimé à 12,7% du PIB en 2009, mais la dette de la Grèce est nettement supérieure (113% du PIB).

    Quant au Portugal, le gouvernement socialiste s’est engagé à ramener son déficit public à 8,3% du PIB en 2010, après 9,3% en 2009, un record depuis l’avènement de la démocratie en 1974. La dette publique s’élevait en 2009 à 76,6% du PIB et devrait atteindre 85,4% du PIB en 2010.

    Après la Grèce, le Portugal est devenu la nouvelle « proie » des marchés, a accusé le ministre portugais des Finances Fernando Teixeira dos Santos, dénonçant le comportement « irrationnel » des investisseurs.

    Les investisseurs sont nerveux vis-à-vis de la péninsule ibérique. Le marché bruisse de rumeurs sur un possible abaissement de la perspective de l’Espagne par une agence de notation, Fitch ou Moody’s, qui emboîterait le pas de leur homologue Standard & Poor’s qui a déjà sévi en décembre.

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