Emprunts toxiques : Le Conseil constitutionnel valide la loi qui fera payer les victimes

Les victimes, c’est-à-dire les collectivités locales et donc leurs contribuables. Une loi scélérate qui permettra aux banques françaises de ne pas assumer les conséquences de leurs actes délictueux, et à l’Etat de conserver 17 milliards d’euros frauduleux en tant qu’actionnaire de Dexia… OD

amnistie-banques-gouvernement« Alors que la justice vient de donner raison à une cinquième collectivité engagée dans un procès contre la banque Dexia à propos des emprunts toxiques, le Conseil constitutionnel, au nom de « l’intérêt général », a validé une loi d’amnistie bancaire !

Après son adoption définitive au Sénat le 17 juillet 2014, le groupe UMP à l’Assemblée nationale contestait la légalité de trois des quatre articles de la loi de « sécurisation des contrats » de prêts structurés (comprenez toxiques) souscrits par les personnes morales de droit public, en réalité une loi d’amnistie bancaire aux frais des collectivités territoriales.

La France est un pays de droit. Cependant, aussi étonnant que cela puisse paraitre, le Conseil Constitutionnel, saisi par les députés UMP, a validé aussitôt, le jeudi 24 juillet, l’ensemble de cette loi scélérate.

Car à partir de maintenant, les collectivités ne pourront plus attaquer leur banque en justice comme l’avaient fait plus d’une centaine de communes, conseils généraux ou d’autres collectivités locales, car la loi valide rétroactivement les contrats ne mentionnant pas le taux effectif global (TEG) ou omettant certains critères permettant son calcul, éléments déterminants dans les quelques victoires judiciaires obtenues jusqu’ici (Seine-Saint-Denis, Saint-Maur-des-Fossés, Angers, etc.) par des collectivités. Elle valide également ceux dont le TEG ou certains de ses éléments sont erronés.

Ce qui inquiète « le sommet », c’est le risque pour Dexia et la SFIL, de devoir rembourser 17 milliards d’euros en intérêts illégalement perçus. Comme l’affirme avec élégance la décision N° 2014-695 DC du Conseil constitutionnel :

« 15. Eu égard à l’ampleur des conséquences financières qui résultent du risque de la généralisation des solutions retenues par les jugements précités, l’atteinte aux droits des personnes morales de droit public emprunteuses est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général. »

L’association Acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET), dans un communiqué, a dénoncé le « transfert des pertes financières » de l’État ou des banques privées vers les collectivités et regretté leur « abandon » par la loi. L’APCET envisage « de recourir à tous les instruments juridiques à (sa) disposition afin de faire entendre raison à l’État dans ce dossier ».

Ce qui apparaît clairement, c’est que les emprunts toxiques de Dexia et ceux repris par la SFIL restent too big to fail (trop grands pour sombrer), c’est-à-dire que leur effacement pose, dans le cadre du système actuel, un risque systémique.

La France rejoint la logique extorsionniste

Pour préserver le système actuel, il faut donc honorer une dette illégale, illégitime et honteuse. Pour y arriver notre gouvernement, trop lâche pour imaginer un autre système, vient de franchir un cap en rejoignant le camp des extorsionnistes dont les « fonds vautours » ne sont qu’une caricature.

Car le phénomène dépasse de loin la France et s’étend à l’ensemble de l’Union européenne où l’on procède, dans le cadre de l’Union bancaire européenne, à l’extorsion et à la confiscation des richesses des victimes (les collectivités et le contribuable local). En effet, c’est dans ce contexte, celui de la politique de résolution bancaire européenne, que la technique du « bail-in » (renflouement interne) des banques a été testée, en premier lieu à Chypre (confiscation des dépôts bancaires), ensuite en Pologne (assurance-vie et épargne retraite), en Autriche (confiscation de l’épargne retraite et des assurance-vie) et maintenant en Espagne, où le gouvernement vient de procéder à un prélèvement d’office et rétroactif d’une taxe de 0,03 % sur tous les dépôts bancaires.

Cela suffira-t-il pour donner de la substance aux millions de milliards d’euros de titres purement spéculatifs ? Permettez-moi d’en douter… »

Karel Vereycken, Solidarité & progrès, le 28 juillet 2014

Rappel :

Grande victoire pour les socialistes, la loi qui amnistie les banques est définitivement passée

Lire aussi :

[Scandale] Loi de non-séparation bancaire : 1 an déjà – et la moitié des décrets d’application ne sont pas parus !

 

A propos Olivier Demeulenaere

Olivier Demeulenaere, 58 ans Journaliste indépendant Macroéconomie Macrofinance Questions monétaires Matières premières
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19 commentaires pour Emprunts toxiques : Le Conseil constitutionnel valide la loi qui fera payer les victimes

  1. ptit Louis dit :

    UN MONDE DE VOLEURS QUI SE GOINFRENT SUR NOTRE DOS….. ALLEZ OUSTE TOUTES CES CRAPULES A LA LANTERNE !!!

  2. OOPS dit :

    A mourir de rire: Quid de de tous les « emprunts toxiques », le terme n’a aucun sens, vendus aux collectivités locales entre 2008 et 2011 et qui se sont retrouvés enterrer quelque part?? Le contribuable a t-il payé et comment? Quelle est la part de garantie ou de remboursement dans ces actifs bancaires? Rien on ne sait rien et on ne saura rien, car il est probable que ces mauvaises dettes contractées par des irresponsables se sont finalement retrouvées au bilan de la BCE qui a fini par les accepter comme collatéral de refinancement pour sauver les banques de la faillite en attendant des jours meilleurs, if any. Il faudrait peut-être commencer par définir la nature de ces actifs, qui ne sont pas vraiment des prêts, mais souvent des dérivés, comme des dérivés de taux calculés à partir de formules complexes intégrant différents types de taux (Libor, Euribor, etc) sur différentes monnaies. Par ailleurs ces dérivés font souvent intervenir des banques étrangères qui s’échangent leurs obligations financières entre elles, ce qui complexifie encore plus le règlement des litiges; Tout se passe comme si le droit privé n’existait pas, malgré les armées de juristes intervenant sur le sujet. L’immixtion de plus en plus fréquente du politique dans les affaires privées donne l’impression fâcheuse que les contrats peuvent être rompus, dans le cas où la partie publique ne serait pas satisfaite du résultat. Il est à craindre un effondrement des marchés relatifs au financement des collectivités locales qui semble joindrent l’incompétence à la pleutrerie la plus complète en se permettant d’apporter la garantie du contribuable, alors même que celui-ci n’a pas eu voix au chapitre quant à des financements hasardeux. La dette peut financer beaucoup d’abus mais pas la folie furieuse, même quand il s’agit de la « bonne finance ». L’absence de sanctions financières contre les Etats qui sont les principaux responsables de la crise de 2008 et non les banques, comme on essaie de nous le faire accroire, a produit ce résultat fabuleux que nos politiques se sont échappées dans la sphère de la démence, à force de fuir les conséquences de leurs politiques économiques désastreuses, croyant à tort que la finance les sauveraient à chaque échéance du couperet de la dette à rembourser. Seule la complicité des banquiers centraux et des régulateurs a permis une telle forfaiture en autorisant la collatéralisation permanente de la dette publique pour refinancer la dette, repoussant ainsi aux calendes grecques la sanction des déficits. Mais les peuples, eux sont quand même mis à contribution et durement pour sauver « marginalement » ces incapables qui croient avoir trouvé la pierre philosophale du financement du socialisme par le marché, ce qui est quand même la quadrature du cercle en économie publique. Forts de cette illusion mortifère, ils se croient tout permis y compris de tuer leurs principaux marchés à l’export, en imposant par exemple à la Russie des sanctions absurdes, au lieu de trouver un terrain d’entente à l’amiable. Nous allons vers de lendemains d’apocalypse avec des zozos pareils.

    • Cavani dit :

      Des banques privées bourrées d’actifs toxiques qui refilent des emprunts toxiques aux collectivités locales et à l’Etat: on est bien dans une gangrène généralisée, mortelle …

  3. Bonnal dit :
    • zorba44 dit :

      Mais oui …on pouvait être pendu pour avoir volé une pomme ou un lapin dans la belle europe de l’ouest – mais Jacques Coeur condamné à mort pour s’être enrichi au point d’être plus puissant que le roi Charles VII fût simplement frappé de bannissement…
      Les lopes politiques actuels sont encore plus faibles, car ils veulent à tout prix sauver les banques sur le dos des SDF.

      Jean LENOIR

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  6. brunoarf dit :

    « Fonds vautours » : l’Argentine en défaut de paiement.

    L’Argentine et les fonds spéculatifs ne sont pas parvenus à se mettre d’accord, mercredi 30 juillet à New York, dans le litige qui les oppose sur la dette de Buenos Aires. De fait, l’Argentine, qui devait régler son contentieux avant mercredi minuit, se trouve désormais en situation de défaut de paiement, pour la deuxième fois en treize ans.

    Selon le médiateur nommé par la justice américaine, Daniel Pollack, l’Argentine va se retrouver « de manière imminente en situation de défaut ». Les conséquences d’un tel défaut sont imprévisibles, et certainement pas bonnes, a-t-il ajouté. Pour lui, il ne s’agira « pas d’une simple mesure technique, mais plutôt d’un événement concret et douloureux qui touchera des gens », a-t-il ajouté.

    Peu avant cette annonce, l’agence de notation Standard and Poor’s avait déclaré l’Argentine en défaut de paiement « sélectif ». Selon les analystes, une des premières conséquences du défaut de paiement est d’éloigner durablement l’Argentine de l’accès aux marchés internationaux des capitaux, dont elle est exclue depuis sa faillite en 2001.

    Mais la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a pour sa part minimisé l’impact de cette situation. « Même si un défaut est toujours regrettable, nous ne pensons pas qu’il aura des conséquences majeures en dehors » du pays, a-t-elle estimé.

    Faute de solution, l’Argentine est mécaniquement en défaut de paiement portant sur un montant minime pour un Etat, 539 millions de dollars (402 millions d’euros). Elle avait obtenu un délai de trente jours qui expirait mercredi pour régler cette somme à des créanciers ayant consenti une remise de dette de 70 % après la crise économique de 2001.

    En 2001, après des années de crise, l’Argentine a fait défaut sur sa dette, alors d’une centaine de milliards de dollars. En 2005 et 2010, le gouvernement est parvenu à restructurer une partie de celle-ci : 93 % des créanciers ont accepté une décote de 65 % en moyenne sur leurs titres.

    Parmi les 7 % d’irréductibles, les hedge funds Aurelius et surtout NML ont alors entamé une incroyable guérilla juridique, afin d’obtenir le remboursement total de leurs titres, soit 1,33 milliard de dollars (769 millions d’euros).

    En théorie, l’Argentine a les moyens de rembourser cette somme. Mais si elle le faisait, le reste des « hold out », ces 7 % de créanciers ayant refusé les accords de 2005 et 2010, pourraient réclamer d’être eux aussi remboursés à 100 % : le pays devait alors débourser 15 milliards de dollars.

    Et si les détenteurs d’obligations restructurées leur emboîtaient le pas, la note grimperait à 120 milliards. Or, les réserves de changes du pays, qui ont fondu ces derniers mois, ne sont que de 28 milliards de dollars… L’Argentine redoute ce scénario noir.

    http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/07/30/les-negociations-sur-la-dette-argentine-n-aboutissent-toujours-pas_4464402_3222.html

    • OOPS dit :

      Où sont les fonds de secours mis en place par les BRICS avec l’aide de la Chine et de la Russie pour voler au secours des Etats défaillants sur leurs dettes en dollars? Rien, niente, nada. Encore et toujours des voeux pieux. Quoi que il y auarit beaucoup à dire au sujet de la politique économique mise en place par l’Argentine au lendemain de son premier défaut sur sa dette: ouverture aux pétroliers américains avec le développement du fracking, plantation massive de soja OGM, boeufs génétiquement modifiés, application des législations permissives, etc. L’insertion de l’

  7. brennec dit :

    Difficile de parler de victimes pour ces municipalités qui ont sollicité un prèt et ont signé n’importe quoi selon le principe après moi le déluge. Combien de ceux qui ont signé sont encore a la tête de leur municipalité? Et ne pas non plus parler de victimes pour ceux qui ont élu ces imbeciles et se sont totalement désintéressés de ce qui se passait au conseil municipal, a moins qu’ils n’aient approuvé. Depuis rome le droit dit ‘caveat emptor’ (l’acheteur doit faire attention) faire payer les banques qui certes ont l’art de présenter des choses a la limite de l’escroquerie peut paraitre une bonne idée mais qui paye pour la faillite de Dexia? le contribuable même celui qui habite une commune bien gérée et suit ce que fait son représentant. Si une autre banque fait faillite qui payera? Le client comme vient d’en décider l’union européenne, celui qui n’a vraiment rien a voir avec tout ça…
    @brunoarf L’argentine a emprunté de manière déraisonnable elle ne peut plus rembourser, qu’elle fasse défaut et ne rembourse pas les fonds vautour, parait la solution, quid alors de ses actifs aux états unis qui risquent le confiscation? Ce n’est pas Mme Lagarde qui en décidera mais la justice américaine qui vient déjà de se prononcer.

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  9. goufio dit :

    Pour revenir aux causes, il faut se rappeler que les collectivités locales sous la demande politique des élus ont emprunté pour satisfaire des besoins de dépenses locales. Ces élus ont donc contracté des emprunts auprès d’une banque spécialisée DEXIA (ex. Crédit local de France) dont les contrats de prêts leur ont été soumis pour acceptation. Nous pouvons penser que ces collectivités locales sont dotées des personnels (directions financières, directions juridiques, directions économiques, comités d’engagements,…) enfin toute structure ayant capacité à analyser un contrat de prêt et à engager en connaissance cause la collectivité locale, ses décideurs et enfin les contribuables locaux (les contrats de prêts étant identique à ceux des particuliers), je ne comprendrais pas que les responsables/élus/fonctionnaires territoriaux ne soient pas responsables devant leurs administrés/contribuables locaux mais que ce soit l’Etat, c’est-à-dire les contribuables nationaux qui paient la facture des inconséquences d’élus locaux qui devraient être passibles de leurs impérities devant la juridiction pénale sur leur biens personnels. Où est la morale autrement ?
    Un homme qui ne peut s’exclure de responsabilité ne serait-il pas devenu l’actuel Président de l’Assemblée nationale ? (M Bartolone élus et fonction publique depuis 35 ans et titulaire d’une licence de mathématique ne peut pas être crédible en soutenant qu’il n’était pas au courant en endettant sa collectivité locale)

  10. dzu251 dit :

    A reblogué ceci sur dzu251.

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